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L'accord des P5+1 va maintenir l’Iran au seuil de l'arme nucléaire - Olli Heinonen

Olli Heinonen, ancien Directeur général adjoint de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA). Il a fait ces remarques au sein d'un groupe d'experts lors d'une réunion de la Fondation d'Etudes pour le Moyen-Orient (FEMO) tenue à Paris le 12 juin.

Les autre intervenants de ce colloque un mois avant l'accord sur le programme nucléaire iranien étaient : Bruno Tertrais, Chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), Linda Chavez, ancienne Directrice de Liaison Publique de la Maison Blanche, James Woolsey , ancien Directeur de la CIA et Alireza Jafarzadeh, Directeur adjoint du Bureau de Représentation aux États-Unis du CNRI.

Dans son intervention, le Dr. Olli Heinonen a déclaré :

« Tout d'abord, penchons-nous sur l'accord du 2 avril à Lausanne. Cet accord avec le groupe 5 + 1 accepte plus ou moins que l'Iran reste un Etat au seuil de l'armement nucléaire. Il y a un certain nombre de raisons :

Il y aura 5 000 centrifugeuses à Natanz et 1 000 autres utilisées à d'autres fins à Fordow, mais restant dormantes. Ce qui en pratique signifie que quand vous regardez l'infrastructure nucléaire en Iran le démantèlement du programme nucléaire iranien n'est pas réel. Il reste comme il est ; il n'a pas changé de cap avec ces 6 000 centrifugeuses même en alimentant avec l'uranium naturel.

Quels que soient les obstacles en ingénierie que vous mettrez là, ils sont capables de produire en au moins un an ou peut-être un peu moins de temps, suffisamment de matière pour un engin nucléaire ; 25 kilogrammes d'uranium hautement enrichi avec U-235. Voilà donc où nous en sommes. Durée d'un an sous certaines hypothèses.

Donc en réalité, si vous regardez alors comment assurer la surveillance du système, vous devez avoir un système très solide en place pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'activités clandestines, ni de matériaux nucléaires clandestins ailleurs.

Ce sera un défi énorme, la façon de l'organiser du point de vue de la vérification et des droits d'accès inopinés de l'AIEA. C'est toujours, selon moi, nécessaire de vérifier cette démarche parce que beaucoup de centrifugeuses resteront. Si elle avait été de 3 000 ou 2 000 [centrifugeuses] c'est très bien, vous auriez probablement pu avoir quelques autres dispositions.

Lorsque vous arrivez à la question des activités clandestines, je pense que l'une des choses les plus importantes est en fait de regarder l'histoire. La première question à mon avis en tant que simple chimiste de Brookline, Massachusetts, ce qui vient à mon esprit, c'est combien de centrifugeuses Iran a-t-il réellement? Est-ce ces 5 000 ou 6 000 qui restent là ; et les autres qui vont en stock là-bas sous le contrôle de l'AIEA, mais y sont-elles toutes ? Combien de centrifugeuses a effectivement produites l'Iran au total historiquement ?

Et c'est une démarche très difficile, mais je crois que les dispositions du présent accord doivent intégrer cet accès de l'AIEA pour qu'il puisse vérifier avec précision et certitude combien de centrifugeuses l'Iran a produites historiquement. Cela a été fait en 2003. C'était un dur travail. Etant donné que l'Iran a maintenant produit plus de 25,000 ce sera encore plus difficile, mais ceci doit être inclut dans la démarche. Sinon, je ne pense pas que vous puissiez avoir un schéma de vérification très crédible en place.

Puis on parle des Dimensions Militaires Possibles. Je pense que lorsque vous définissez votre schéma de vérification, c'est une chose de regarder dans le matériel nucléaire et une chose de regarder dans les capacités d'enrichissement.

Vous devez ensuite passer à cette autre partie concernant les ambitions nucléaires militaires que l'Iran aurait pu avoir. Il s'agit de comprendre dans quelle mesure ces expériences ont été menées. Étaient-elles juste un premier pas vers la capacité d'explosion nucléaire, ou il s'agit de bien plus? C'est important pour la vérification, c'est important dans l'établissement de cette base de référence, non seulement avec le matériel nucléaire, les stocks et le nombre de centrifugeuses, mais aussi cette partie, parce qu'alors vous pouvez être plus à l'aise dans le suivi. Vous savez ce qu'il faut chercher; quand vous voyez les changements, ce que vous pouvez faire c'est sonner la cloche assez tôt.

Puis la dernière chose, c'est de regarder ce cadre de travail convenu et je l'ai lu, encore une fois comme un simple chimiste, je pense que dans les dix prochaines années, le programme nucléaire iranien restera inchangé à une exception ; l'Iran va pouvoir développer des centrifugeuses beaucoup plus avancées, ce qui en réalité, signifie que s'ils sont en mesure de les fabriquer en grandes quantités. Cela va réduire effectivement le délai de « breakout ».

La seule façon de maintenir le délai de breakout au-dessus d'un an est de contrôler les importations de matières premières essentielles, les composants et les centrifugeuses.

Les sources extérieures

Mais ce qui est absent de ce débat, à mon avis, ce sont les sources extérieures. Vous pouvez faire cette chose quelque part d'autre, et il suffit de les ramener à temps, les mettre en place en quelques semaines ou quelques mois, et puis vous aurez assez de capacité à produire de l'Uranium hautement enrichi sur votre propre sol.

Si vous revenez à l'histoire, vous verrez qu'il y avait quelques milliers de centrifugeuses à Fordow. L'Iran mettait en place trois à quatre par mois. Alors quand vous en avez d'aussi puissantes, elles seront opérationnelles en quelques mois;

Ensuite, vous arrivez à l'année 2010, et je dois dire que le président Obama a été très honnête dans ce cas. Il a déclaré qu'après cela le temps de breakout diminuera pour la production d'Uranium enrichi. Parce que l'Iran peut mettre n'importe quel nombre de centrifugeuses en place.

Il n'y aura vraiment pas de restrictions pour l'uranium faiblement enrichi, mais ce que les gens ont oublié de ce débat, c'est que le réacteur de recherche d'Arak. C'est l'autre itinéraire soupçonné pour produire le matériel nécessaire pour les armes nucléaires : le Plutonium.

En fait, selon l'accord, toutes les restrictions vont disparaître après 15 ans, parce que oui le réacteur d'Arak a été modifié mais il n'y a pas de limitation pour construire un autre réacteur à eau lourde. C'est un champ entièrement ouvert.