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Un an après l'accord sur le nucléaire iranien-Crise au Moyen Orient, quelles solutions?

(08/07/2016)

Colloque international à Paris

Le vendredi 8 juillet 2016 avait lieu, à Roissy-en-France, un colloque co-organisé par la FEMO et Alliance for Public Awareness (APA-ICE), sur le thème suivant : « Crise au Moyen-Orient, quelle solution ? ». Cet événement fut l'occasion pour de nombreuses personnalités des mondes politique, scientifique et journalistique, français et étrangers, d'échanger et de donner leurs points de vues sur la situation au Moyen-Orient, sur les problématiques qu'elle soulève et ce qui manque aux politiques actuelles pour y remédier efficacement. Bien que l'état des lieux fit, en général, consensus, ces discussions furent aussi l'occasion pour chacun de proposer de nouvelles pistes de réflexion.

Première table ronde : Crises au Moyen-Orient, perspectives et solutions

En présence d'Alejo Vidal Quadras, Frédéric Encel, Phillip Crowley, Marc Ginsberg, et Jean-Sylvestre Mongrenier.

Dans un premier temps, cette discussion fut l'occasion de dresser un état des lieux général de la situation. Ensuite, les intervenants ont proposés certains éléments dont devraient s'inspirer les politiques étrangères occidentales afin d'agir plus efficacement sur le terrain régional. D'après ces experts, la zone est actuellement minée par la stratégie de déstabilisation du régime islamique chiite. Tous ont ainsi appelé à ne pas minimiser la menace que représentent les velléités expansionnistes des mollahs dans la région - les plaçant au même niveau de dangerosité que celles du groupe État islamique - et ont invité le monde à combattre les deux ennemis en même temps. Ils ont en effet souligné le manque de stratégie et de politique régionale communes aux alliés américains, européens et arabes pour y faire face simultanément. L'absence de stratégie d'endiguement des ambitions atomiques et hégémoniques de l'Iran a également été fustigée. Le monde manquerait de politiques véritablement efficaces pour remédier aux crises moyen-orientales de manière générale, et pour faire face à la montée en puissance du régime des ayatollahs en particulier.

Lorsque fut évoquée la situation en Syrie, l'ancien homme politique américain Phillip Crowley y a distingué 5 conflits, opposant respectivement: Bachar al-Assad à l'opposition syrienne ; les aspirations hégémoniques de l'Iran à celles des États du Golfe ; les groupes État islamique et Jabhat al-Nusra ; Israël et le Hezbollah ; les Etats-Unis et la Russie qui continuent de se livrer à ce que Crowley qualifie de « compétition ». La question qu'il a ensuite soulevé était de savoir s'il n'y a finalement pas plusieurs Syrie(s), plusieurs Irak(s), et plusieurs Yémen(s) ? Crowley a en effet rappelé que, outre l'importance de combattre et d'anéantir les groupes terroristes actifs sur la scène moyen-orientale, une plus grande attention doit aussi être portée à la manière dont la région sera, à l'avenir, structurée et dirigée.

Enfin, l'ancien ambassadeur américain Marc Ginsberg soulignait quant à lui « l'effondrement du monde arabe », « si tant est qu'il y en ait eu un », accéléré par les Printemps arabes et par la montée en puissance, à la fois politique et militaire, des deux autres puissances régionales que sont l'Iran et Israël.


Deuxième table ronde : Un an après l'accord sur le programme nucléaire

En présence de Lincoln Bloomfield, Mitchell Reiss, Bruno Tertrais, Robert Torricelli, Robert Joseph, et Frances Townsend.

Dans un second temps, les discussions se sont davantage concentrées sur l'Iran, un an après la signature de l'accord de Vienne, le 14 juillet 2015. C'est en particulier la question du respect de ce-dernier par Téhéran qui fut soulevée, mais pas seulement. Mitchell Reiss a également posé celle de la capacité des puissances du P5+1 à rétablir des sanctions en cas de violation de l'accord, l'intervenant rappelant que certaines administrations - américaine notamment - n'ont pas mesuré l'ampleur de la menace iranienne suffisamment tôt dans le processus de négociations.

Alors que les Etats-Unis pensaient que cet accord changerait l'attitude de l'Iran envers l'Occident (notamment quant à une coopération en Syrie et dans la lutte contre Daesh) et a fortiori, la dynamique au Moyen-Orient. Mais ce pari s'avère « perdu », d'après le spécialiste Bruno Tertrais, pour qui la responsabilité de la république islamique dans ce chaos régional, est indéniable. L'accord de Vienne n'aurait ainsi eu « aucun impact » sur le soutien iranien au terrorisme dans la région.

Selon Lincoln Bloomfield, le régime serait d'ailleurs toujours plus offensif, tant au niveau national qu'international, aucun esprit de réforme n'étant palpable en Iran depuis la fin des négociations. L'accord aurait en fin de compte accordé davantage de force et de capacité au régime pour réprimer sa population d'une part, et pour s'investir dans les conflits régionaux d'autre part. En outre, Téhéran détiendrait toujours d'importantes capacités nucléaires, que l'accord n'a pas permis de faire disparaître. Le respect de cet accord serait en outre « invérifiable », et certaines des conditions qu'il contient permettent au régime de poursuivre son programme activement, et clandestinement.

C'est pourquoi la réalité reste très « inquiétante » aux yeux de nos intervenants qui ont tous insisté sur l'idée d'échec, au moins partiel, des politiques du P5+1 dans les négociations. Certains ont même recommandé un changement de donne radical. Les grandes puissances signataires de l'accord devraient, en effet, mettre davantage de pression sur le régime de Khamenei qui, sans cela, n'évoluera jamais dans le bon sens. Néanmoins, celles-ci se rapprochant pour la plupart d'un tournant présidentiel, ce sont ces « nouvelles administrations » qui feront bientôt face à de « vieux problèmes », d'une manière que l'on ne peut anticiper. Mais quoi qu'il en soit, une vigilance et une fermeté constantes à l'égard de Téhéran sont attendues.

Troisième table ronde : Développement en Iran et le rôle de l'opposition

En présence de Lincoln Bloomfield, Kenneth Blackwell, Linda Chavez, Howard Dean et Struan Stevenson.

À l'occasion de cette dernière table ronde, Linda Chavez a déploré le fait que les sujets du quotidien des gens et de la situation des droits de l'Homme en Iran n'aient pas fait parties des négociations sur le nucléaire. Selon la présidente du Centre pour l'Égalité des Chances, Téhéran aurait obtenu ce qu'il voulait, sans nous donner en retour la certitude d'une future ouverture du pays, que ce soit en termes de politique intérieure ou extérieure. À ce jour, la situation des droits de l'Homme n'a pas changé, et s'est même dégradée à certains égards. L'Iran reste, par exemple, le pays qui exécute le plus au monde par rapport à son nombre d'habitants.

L'ancien ambassadeur auprès de la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies, Kenneth Blackwell, a quant à lui avancé diverses pistes pour remédier au problème iranien, telles qu'une rupture du statut quo, ou encore le fait, pour l'administration américaine, d'utiliser davantage les nouvelles technologies dans la mise en œuvre de sa politique étrangère, afin de mieux soutenir les revendications du peuple iranien.

De manière générale, tous les intervenants ont fini par déplorer le fait que la réalité de ce qu'il se passe en Iran soit, la plupart du temps, occultée. Ils ont ainsi encouragé les politiques à davantage la mettre au jour et à mieux soutenir l'opposition iranienne dans sa résistance pour la liberté et la démocratie en soulignant pour certain le rôle central de la coalition du CNRI (Conseil national de la Résistance iranienne). Si l'on permet à l'opposition de se doter d'une plus grande légitimité dans le monde (occidental, en particulier), en la soutenant plus activement, cela pourrait lui permettre, à terme, d'affaiblir suffisamment le régime de Khamenei, si ce n'est de le renverser, et de le remplacer par une démocratie.


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