Les dix fardeaux de l'économie iranienne
Par Mohammad Amin,
Chercheur associé à Fondation d'Etudes pour le Moyen-Orient (FEMO)
Plus de 10 mois après l'entrée en fonction de Rohani, l'espoir des Iraniens ordinaires pour une reprise économique s'estompent. Dans son dernier rapport, le 5 avril, sur l'état de l'économie du pays, le Fonds monétaire international (FMI) envisage une perspective de stagnation économique, une croissance négative et de fortes incertitudes d'une reprise à court terme.
L'évaluation souligne notamment que la performance macro-économique du pays s'est dégradée en raison des réformes sur les subsides à la fin de 2010 et le renforcement des sanctions internationales en 2012. Par ailleurs, le gouvernement a commencé l'arrêt progressif des subventions sur l'énergie, le début d'un processus qui fera monter en flèche les prix de l'essence, de l'électricité et d'autres services publics. Pour la première fois le gouvernement a même été contraint, durant le Nouvel An iranien, au mois de mars, de vendre des dollars sur le marché pour soutenir la devise qui a encore croulé.
"Avec 10% de points de PIB en baisse sur le totale des revenus depuis 2010-11, les perspectives d'une reprise à court terme restent extrêmement incertaines, a estimé le FMI. Des revenus pétroliers limités et des contraintes dans les transactions financières internationales font présager une stagnation de l'économie iranienne en 2014, avec un récession de 1¾ % du PIB et un déficit global de 2¼ % du PIB pour 2013-14."
"L'économie de résistance"
Pour parer à la situation, le 19 février dernier, le Guide suprême iranien a publié une directive à l'adresse des trois pouvoirs de l'État (judiciaire, exécutif et législatif), résumés en 866 mots, dans laquelle il a décliné en 24 mesures, les principes de "l'économie de résistance". Dans son introduction, la directive cite ses caractéristiques, émanant du "modèle économique autochtone, issu de la culture révolutionnaire islamique". Celle-ci développe des objectifs à la fois ambitieux et fantasmagoriques: développer le travail, maximaliser la participation des couches sociales dans les activités économiques, faire preuve d'avant-gardisme dans l'économie des sciences, valoriser la croissance, favoriser des bénéfices égalitaires pour les acteurs de la chaîne de production, augmenter la production intérieure, assainir et renforcer le système financier, développer les réserves stratégiques dans les secteurs pétroliers et gaziers (...) S'il n'est pas clair comment le régime entend mettre en œuvre les 24 mesures de la directive du Guide suprême, il est toutefois évident que celle-ci vise à éclipser le déficit de solution pour la République islamique.
Sur le plan économique, cette ordonnance est sans effet, et sur le plan politique elle va dans le sens contraire à la ligne mené par le gouvernement. Selon le guide suprême «La solution aux problèmes économiques du pays n'est pas dans le fait d'avoir les yeux virés vers l'extérieur et attendre que les sanctions de l'ennemi soient levées (...) La solution réside plutôt dans le regard vers l'intérieur, dans les ressources du pays », a-t-il déclaré le 8 avril 2014. Khamenei contredit ainsi la stratégie d'Hassan Rohani, le président du régime, qui voit plutôt la solution de la crise dans le compromis avec l'Occident, via l'accord sur le nucléaire.
Or, le fond du problème n'est pas dans la divergence entre ces deux stratégies. Parce que Khamenei n'a aucun scrupule politique ou idéologique pour entretenir des relations commerciales avec l'Occident. En effet, pendant les huit années de la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, son protégé, les importations des produits étrangers ont atteint 80 milliards de dollars, c'est-à-dire le niveau le plus élevé jamais atteint par l'Iran. Durant ces années le marché iranien s'est trouvé saturé de produits américains, introduit en Iran par le biais des voisins du sud. De surcroît, avec la caution de Khamenei, le gouvernement Ahmadinejad a tenté de respecter scrupuleusement les règles du FMI et les normes du SAP (Structural Adjustment Programs). De sorte que les tarifs douaniers de nombreux produits ont baissé sensiblement, les subsides de l'État ont été supprimés et plusieurs sociétés publiques ont été privatisées. (Soulignons cependant qu'au lieu du secteur privé, ce sont les Pasdaran qui ont jeté leur dévolu sur ces sociétés).
Dans une telle conjoncture, une question essentielle se pose: le régime iranien est-il en mesure de procéder aux réformes nécessaires pour affranchir l'économie iranienne des chaînes qui l'entravent?
Les richesses et les calamités
Les richesses de l'Iran sont immenses. Selon les estimations officielles, les revenus de l'État pendant les huit années du mandat Ahmadinejad ont atteint les 8000 milliards de dollars. L'Iran détient le deuxième réserve de gaz et le troisième réserve de pétrole du monde. Il est également situé sur la ceinture des réserves de cuivre de la planète et bénéficie de réserves considérables d'autres minéraux, tels que le fer, l'aluminium, le plomb et le zinc. De plus, la main-d'œuvre y est très bon marché. En dépit de ses immenses potentialités, l'économie iranienne a été en chute libre au cours des deux dernières années. Pourquoi un tel marasme? Comment les sanctions sur les achats de pétrole ont pu laminer à tel point l'économie d'un pays qui est avantagé par des frontières qu'il partage avec 15 pays? Un pays dont les portes des plus grandes économies mondiales, telles que la Chine, l'Inde, le Brésil, la Turquie, l'Afrique du Sud et la Corée du Sud, lui ont toujours été ouvertes malgré les sanctions?
Ce sont des facteurs intrinsèques qui sont la cause de la déliquescence de l'économie iranienne, que nous développerons plus loin. Mais au lieu de s'attaquer aux causes réelles de la crise permanente, les mollahs ont vu dans la vente effrénée du pétrole la seule clé de secours à leur marasme. L'immense manne pétrolière, qui a atteint son pic en 2011 avec $110 milliards de revenus, permettait jusque là à colmater les brèches de l'économie iranienne. Mais lorsqu'en juin 2012 les revenus pétroliers ont subitement chutés pour atteindre le quart de leur niveau initial, l'édifice de l'économie iranienne s'est écroulé: l'inflation a atteint des niveaux record jusqu'à 50% , la valeur de la devise nationale a perdu 80 % de sa valeur, le taux de chômage grimpé à 30 % et la croissance de l'économie est passé à moins 5.6 %.
Des mains invisibles
Des "mains invisibles" sont en œuvre dans l'économie iranienne. Ils ne sont pas cependant ceux d'Adam Smith. Mais plutôt un dynamisme perturbateur qui sous-tend le processus interne de l'économie iranienne: le conflit viscéral qui oppose la société iranienne et le pouvoir en place. En effet, le penchant vive et profond de la société iranienne pour un changement du système politique en place, a son pendant dans un qui-vive sécuritaire permanente qui absorbe les énergies vitaux du régime qui cherche à se maintenir en place. Les soulèvements populaires de 2009 et 2010 furent les manifestations les plus éloquentes de cette tension permanente. Si la propension révolutionnaire des la nation iranienne a été momentanément étouffée, elle n'a pas disparu pour autant et telle la braise sous la cendre attend de s'enflammer. Pour préserver leur pouvoir, les dirigeants iraniens ont été amenés à primer sur toute autre considération, la conjuration de cette menace existentielle. Rappelons-nous, à titre d'exemple, que si Khamenei a accepté l'élection d'Hassan Rohani, qui n'était pas son candidat à la présidentielle de juin 2013, c'est par crainte de voir emporter le régime par la marée montante d'une révolte populaire.
Les 10 fardeaux dévastateurs
L'économie iranienne est profondément influencée par les politiques que mettent en œuvre ses dirigeants pour se maintenir au pouvoir. Ces politiques comportent des coûts et des gaspillages multiples et variés, source d'hémorragie permanente dans les finances. Relevons les dix principaux fardeaux qui pèsent sur l'économie iranienne:
1 - Les dépenses faramineuses consacrées à l'appareil militaire. Les Pasdaran, constitués de 31 corps militaires (un pour chaque province et deux pour la capitale) forment la colonne vertébrale de la machine répressive du régime. Par ailleurs, une milice de 300 000 bassijis, affiliée aux pasdaran, ont la charge de l'encadrement et du contrôle dans le milieu du travail, de l'école, de l'université, de la fonction publique, des quartiers et du milieu rural. Une illustration de l'action de cette institution militaire d'envergure se trouve dans le nombre excessif d'arrestations, 600 000, des citoyens ordinaires opérés chaque année en Iran (chiffre révélé par Mohammad Javad Zolghadr, le numéro 2 du pouvoir judiciaire iranien, le 22 décembre 2012). Le calcul du nombre d'agents utilisés pour arrêter, détenir et instruire les dossiers des prévenus, offre une estimation de l'ampleur des dépenses de l'État pour la gestion de ce système sécuritaire implacable.
Dans le budget du gouvernement Rohani, les dépenses prévues pour les principaux organes sécuritaires et militaires du régime se déclinent comme suit:
- le Ministère de la Défense: $5.2 milliards
- l'État-major conjoint des Forces armées: $1.93 milliards
- le Corps des Gardiens de la révolution (Pasdaran et Bassij) : $4.4 milliards
- les Forces de sécurité de l'État: $1.7 milliards
- le Ministère du Renseignement et les autres organes de renseignements : $1.2 milliards
- les projets d'aménagement du territoire à visés sécuritaires: $306 millions
- l'aide financière aux organisations et à la base du régime, ainsi qu'à leurs familles: $3.7 milliards.
- La propagation de l'islamisme: $1.5 milliards
Ainsi, la somme des dépenses sécuritaires du régime pour l'année en cours se chiffre à $20.70 milliards, ce qui représente 23.3% du budget de l'État.
2- Le projet nucléaire est un autre fardeau de taille qui pèse sur l'économie du pays. Plusieurs facteurs ont contribué à décupler le coût de ce programme:
- les opérations de dissimulation du volet militaire, les sites et les activités illicites qui s'y rattachent.
- Le forage d'immenses tunnels dans les profondeurs du plateau iranien pour protéger le programme stratégique.
- L'élaboration d'un projet nucléaire parallèle, censé substituer le programme principal en cas de destruction dû aux frappes ou d'empêchement dû aux inspections.
-Les opérations de contrebande pour se procurer sur le marché noir le matériel et la technologie indispensable.
Ironiquement, dans la loi de finances du gouvernement Rohani, le budget prévu pour l'Organisation iranienne de l'Énergie atomique (OIEA) se chiffre à seulement $207 millions. Un net décalage avec le chiffre réel du programme nucléaire. En avril 2013, deux Think-Thank américains, The Carnegie Endowment for International Peace et le Federation of American Scientists , ont estimé, dans un rapport conjoint, le coût du volet militaire du programme iranien à $100 milliards. Or, d'autres estimations, de sources israéliennes, l'évaluent à $170 milliards (Agence France-Presse, 12 novembre 2013). Pour leurs part, des experts iraniens avancent le chiffre de $600 milliards (Mehran Mosftafavi, directeur du Laboratoire de Chimie Physique - CNRS).
Soulignons que ce programme, en absorbant une part conséquente des moyens de l'État, a barré la voie au développement des énergies renouvelables, telles que les énergies solaire et éolienne. Autre scandale: en dépit de vastes ressources d'hydrocarbures, les mollahs n'ont même pas été en mesure de construire de nouvelles raffineries, les obligeant à importer les deux tiers du besoin en essence pour la consommation intérieure.
3- Un programme balistique colossal. En raison des carences structurelles des forces armées de la République islamique (des effectifs peu motivés et une flotte d'avions de combats qui n'a pas été renouvelé depuis la chute du chah en 1979) le développement de l'arsenal balistique à une place majeure dans la stratégie militaire du régime. L'Iran produit actuellement une multitude de modèles de missiles: de courte portées (Chahab-1, Chahab-2, Fateh-110, Naze'âte), de moyenne portées (Chahab-3, Fajr-3, Ghadr, Sejill-2), anti-navires (Tondar, Khalij Fars) et torpilles (Nour, Kossar, Raad).
En outre, un arsenal dispendieux de missiles Fajr est fourni au Hezbollah libanais et au Hamas palestinien. D'importants accords ont également été signés avec la Corée du Nord pour l'achat de sa technologie et ses produits balistiques. A titre d'exemple, un accord signé par les Pasdaran en 2009 pour se procurer des missiles intercontinentaux, a couté $11 milliards à l'Iran. Un effort qui augmente les soupçons de l'existence d'un programme balistique nucléaire. Des vecteurs visant à transporter des têtes nucléaires futures. A cela il faut ajouter l'achat sur le marché noir de dispendieuses pièces sensibles de systèmes occidentaux. La dissimulation de ce schème procurations a eu pour conséquence d'augmenter sensiblement les coûts de l'arsenal balistique de l'Iran.
4- La politique interventionniste, le soutien au terrorisme et la propagation de l'islamisme dans la région et au-delà, est un autre facteur qui épuise l'économie iranienne. La guerre en Syrie, dans lequel les Pasdaran ont joué un rôle central, a constitué l'entreprise militaire la plus dispendieuse du régime ces dernières années. "L'Iran a mis à la disposition de la Syrie une ligne de crédit d'une valeur de $1 milliard pour les importations de marchandises et un prêt de $3 milliards pour l'importation de pétrole et des produits pétroliers (...) Cette ligne de crédit sera rechargée en cas d'épuisement" (le directeur de la Banque centrale syrienne, 28 mai 2013).
A cela il faut ajouter les dépenses liées directement à l'effort de guerre. Le quotidien Libération rapportait le 27 août 2013: "L'Iran a dépensé plus de $17 milliards dans la guerre en Syrie". D'autres sources ont évalué l'effort militaire iranien, à l'apogée de la guerre en Syrie, à quelque $1.5 milliards par mois. À cela, il faut ajouter les dépenses engendrées par les activités de la Force Qods des Pasdaran en Afghanistan, au Bahreïn et au Yémen. On estime à $1.3 milliards l'aide apportée par les mollahs au groupe Hamas (Agence France-Presse, 12 novembre 2013). Et quelques $30 milliards au Hezbollah au cours des 30 dernières années (Le Figaro, 8 octobre 2013).
5- Les Pasdaran contrôlent une part essentielle de l'économie iranienne sans être soumis à la loi sur la fiscalité. Ils monopolisent l'activité économique en encaissant des revenus colossaux dans les secteurs du pétrole, gaz, pétrochimie, téléphonie, informatique, de l'industrie de l'automobile, l'acier, le ciment, l'alimentaire, les produits pharmaceutiques, ainsi que les routes, les banques, les assurances. Selon les analystes, les Pasdaran sont parmi les plus grands cartels du monde et contrôlent plus de 50 % des importations et le tiers des exportations iraniennes. En s'appuyant sur leur emprise sécuritaire dans le pays et leur influence au gouvernement, les Pasdaran ont réussi à écarter la plupart des concurrents dans le secteur privé.
Les activités économiques des Pasdaran portent tort à plus d'un titre à l'économie iranienne, notamment en ruinant le secteur privé. A ce sujet, le vice-président iranien Eshagh Jahanguiri a confié: "Dans la politique des privatisations, les sociétés qui ont été transférées au secteur privé, l'ont été en réalité aux 'semi-gouvernementaux' (NDLR: les Pasdaran) et seulement 17 % ont réellement été transférées au secteur privé (les médias iraniens, le 6 novembre 2013).
6- Le Guide suprême en Iran est une institution autonome et ses prérogatives découlent de son autorité quasi divine, qui échappe, selon la constitution iranienne, à tout contrôle de l'État. L'institutions du Guide suprême constitue le pouvoir hégémonique du système iranien et monopolise une part importante de l'économie. Or, ses revenus ne retournent guère dans le cycle de l'économie du pays. Ils sont utilisés pour les visés expansionnistes du régime et la propagation de l'islamisme, ainsi que pourvoir au fonctionnement de l'appareil sécuritaire du pays. Dans un rapport publié par l'agence Reuters, le 11 novembre 2013, le capital de seulement un des pôles financiers contrôlé par Khamenei, le Setad Ejra'i Farman Imam, est estimée à 95 milliards de dollars. Les activités économiques des organes liés à l'institution du Guide suprême sont dispensées de toute imposition.
7 - Les organes islamistes dévorent une part importante des finances. Ces organes, dont certains interviennent dans la propagande du régime et d'autres dans l'appareil d'espionnage et de contrôle de l'État, sont cités dans le tableau 17 de la Loi de finances de l'exercice budgétaire en cours. Ce tableau répertorie 61 organes et leurs budgets respectifs, notamment: le Centre de la documentation de la Révolution islamique, la Fondation de l'incarnation de la Révélation, la Fondation Ghadir, la Mosquée Jamkaran de l'imam caché, la Fondation messianique Al-Mahdi etc.
La religion de l'État est imposée à la société iranienne à travers d'importantes institutions religieuses, principalement basés dans la ville sainte de Qom, financées par l'État: le Conseil suprême des Ecoles théologiques, l'Office de l'information islamique de l'Ecole théologique de Qom, le Conseil de coordination de l'Information islamique, l'Organisation de la Propagande islamique etc. Le budget alloué pour ces institutions s'élève à quelque 500 millions de dollars.
8 - Les situations de rentes, les détournements de fonds, la contrebande systématique et les prévarications de toutes sortes, sont des fléaux qui prospèrent en Iran. Ils constituent une autre cause de cette hémorragie permanente dans l'économie iranienne. Ils empêchent la canalisation des richesses dans le système de production intérieure et le développement du pays. Par exemple, en 2013, un détournement de fonds estimé à $3 milliards à la banque Saderat a fait surface et n'a jamais été restitué. Aussi, les détournements de fonds considérables dans la société de l'Assurance de l'État, dans le régime de l'Assurance sociale, les dessous-de-table exorbitants destinés aux autorités (notamment un cas de bakchichs à quelque 200 membres du Parlement des mollahs, révélé par les médias) et de nombreux cas similaires, sont autant d'exemples qui confirment une corruption endémique qui gangrène l'économie iranienne.
9- L'aide financière régulière apportée par l'Iran à des gouvernements isolés sur le plan international (pour s'attirer leur soutien dans les arènes internationales) constitue un autre volet de la dilapidation des revenus du pays. De nombreux rapports dans ce sens ont été publiés pas la presse iranienne et internationale, notamment: $330 millions au Pakistan, $1.9 milliards au Sri Lanka, $125 millions au Liban, $1 milliard à la Bolivie, $100 millions à l'Afghanistan, $40 millions à l'Équateur, $350 millions au Nicaragua...
10- Enfin, la politique malavisé de distribution d'argent parmi la population, en guise d'expédient pour éviter des révoltes comme ceux de 2009, a causé le gaspillage des ressources nécessaires au développement des infrastructures, et a conduit à l'augmentation malsaine de liquidité sur le marché et une inflation incontrôlable. Le régime a également mis en œuvre, sous l'impulsion d'Ahmadinejad, plusieurs plans économiques brouillons, truffés d'incohérence, d'incompétence et d'improbité. Par exemple, le "Plan des fonds d'investissement à profit rapide", devait aider à la création d'emplois. Or, fruit de l'incurie du système, des centaines de millions de dollars sont partis en fumé sans avoir concrétisé ses objectifs. Un autre exemple du disfonctionnement du système a été le plan des "Habitations Mehr (amour)" pour lequel les mollahs ont imprimé une masse monétaire colossale avec des conséquences calamiteuses. Le 6 mars 2014, le nouveau ministre de l'économie, Ali Tayebnia, qui cherchait à endosser au précédent gouvernement les maux de l'économie, a fait cette révélation sidérante: "Sur les 100 000 milliards de tomans qui ont été imprimés dans le pays depuis la création de cette devise par la banque centrale d'Iran, 42 000 milliards de Tomans l'ont été pour les 'Habitations Mehr!"
Une autre initiative soi-disant "populiste" d'Ahmadinejad a été le désastreux plan de "distribution d'argent", toujours dans le but d'éloigner la perspective des révoltes. Ainsi, des allocations financières ont été accordées à quelque 72 millions de personnes sur une population de 77 millions. Or, depuis que les sanctions internationales, renforcées en 2012, qui ont baissé drastiquement la manne pétrolière, les mollahs ne disposent plus assez d'argent pour continuer le plan. Mais ils n'ont pas non plus le courage de faire face aux conséquences de sa suspension. Un dilemme qui tracasse douloureusement le gouvernement Rohani et épuise ses ressources.
Conclusion
L'objet de l'énumération des calamités qui ruinent l'économie iranienne, vise à expliquer le caractère inextricable de la problématique iranienne et la futilité d'investir dans son avenir. Parce que le régime est incapable de sauver l'économie iranienne sans mettre en péril son pouvoir politique. Un État policier à outrance pour qui les exigences sécuritaires et la préservation du pouvoir prime sur tout autre considération, ne pourra changer la donne économique. La réforme de l'économie iranienne passe par la remise en cause des ressources financières de l'institution du Guide suprême et des Pasdaran. Sans cela Hassan Rohani n'aura pas un sort plus enviable que son prédécesseur, Mohammad Khatami (1997-2005). Celui sur qui les chancelleries occidentales avaient naïvement misé comme un réformateur, a résumé en quatre mots les huit années passées, impuissant, à la tête du gouvernement: j'étais "un président chargé de l'intendance du système". Cette vérité correspond également à la réalité d'Hassan Rohani. Pour changer les choses il doit s'attaquer aux fondements du système, ce qu'il ne semble ni pouvoir, ni vouloir faire. Comme Khatami "le modéré" il devra se résigner au rôle de bon intendant pour le Guide suprême et les Pasdaran.