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Clarifications nécessaires sur le conflit syrien

Par Nader Nouri, ancien diplomate, analyste et secrétaire général de la FEMO

La 70ème session de l'Assemblée générale de l'ONU dominée par les débats sur la situation aggravante de la guerre en Syrie, a été lundi 28 septembre l'occasion pour des clarifications importantes de la part des présidents français et américain à ce sujet. Dans son discours devant les chefs d'Etats et de gouvernements du monde entier, le Président Hollande a notamment affirmé son désir de voir s'installer un nouveau régime en Syrie en affirmant, entre autres, que « Bachar Al-Assad est une partie du problème, il ne peut donc pas faire partie de la solution ».

De son côté le président américain, Barack Obama, a également martelé, dans son discours, qu'après tant de sang et de carnages, il est hors de question que l'on revienne à la situation qui existait avant la guerre. C'est « Assad qui a réagi à des manifestations pacifiques en accentuant la répression et les meurtres, créant l'environnement actuel » a ajouté Obama, pour qui « le réalisme exige une transition gérée sans Assad, avec un nouveau leader et un gouvernement inclusif... ».

Ainsi, alors que la plupart des observateurs prédisaient le début d'un dialogue russo-américain suite à l'offensive militaro-diplomatique de Moscou en vue de la création d'une nouvelle coalition internationale incluant les régimes syrien et iranien, sur lequel la France serait contrainte de s'aligner, il semble que c'est l'inverse qui s'est produit, « l'initiative » du Kremlin étant d'une grossièreté incroyable.

Cette initiative qualifiée d'« offensive diplomatique » de la Russie, soutenue par le régime iranien, se heurte au « réalisme » des positions fermes françaises et américaines sur un conflit particulièrement meurtrière (250000 morts, dont la majorité des civiles).

Dans le camp d'en face, les déclarations similaires du président russe et de son homologue iranien, Hassan Rohani, à la tribune de l'ONU, ne laissent aucun doute quand à la priorité des deux parrains du dictateur syrien : remettre en selle Assad. Aucun n'a prononcé un mot sur une quelconque solution politique au conflit, aucune proposition de négociations pour une transition du pouvoir à Damas. Une seule et unique position, à leurs yeux confortée par le déferlement des réfugiés syrien sur l'Europe et l'absence d'une stratégie claire des Occidentaux en Syrie : ce sera le régime d'Assad ou les terroristes de Daech. Il s'agit d'un calcul des plus cyniques, pour exploiter un contexte particulièrement complexe et confus pour masquer leur complicité active dans les atrocités commises par leur protégé et imposer aux Occidentaux une politique qui consiste à laisser impunies une agression contre un pays souverain (Ukraine) d'une part et récompenser l'ingérence meurtrière des mollahs de Téhéran en Syrie sous prétexte qu'il y a des groupes terroristes qui sont plus dangereux, alors que Daech n'est autre qu'un produit de l'agressivité et la cruauté des uns envers les populations sunnites et la complicité et le laxisme des autres. Ce « monstre de Frankenstein » est créé par Assad en Syrie et le gouvernement fantoche de Maliki en Irak. Le tout orchestré par l'« Etat islamique » installé à Téhéran qui a planté le germe en menant une politique d'expansion agressive de ses idées d'un islam extrémistes.

Alors même que Moscou et Téhéran voient leurs économies respectives s'écrouler sous l'effet conjugué des sanctions internationales (imposées au premier pour son agression en Ukraine, et au deuxième, en raison de son programme nucléaire militaire), et la chute du prix du pétrole, la seule arme à leur disposition pour masquer leur faiblesse, reste la force brute : la Russie montre ses muscles en envoyant des troupes et du matériel militaire en Syrie pour mettre le monde devant un fait accompli. Le régime des mollahs accentue son soutien militaire au régime de Damas en déployant davantage de pasdarans et des forces paramilitaires, du Hezbollah libanais et mercenaires afghans, le tout sous le commandement des officiers de la Force Qods, avant d'appeler les Occidentaux à soutenir cette fameuse opération au sol par les forces locales que certains appellent de leurs vœux en France notamment.

Ces dernières semaines, une partie de plus en plus importante de la classe politique française, à droite comme à gauche, semble être séduite par l'analyse erronée qui consiste à considérer Assad et son parrain iranien comme faisant partie d'une solution à ce conflit. Ses porte-voix portent une grande responsabilité dans le fait que ce « chant de sirène » (traiter avec Moscou et Téhéran pour mettre fin à la crise des migrants tout en bénéficiant de la levée des sanctions contre ces deux régimes autoritaires) gagne en popularité dans l'espace politico-médiatique. Cette illusion mène vers une impasse et se brise face le mur de la réalité. Nous l'avons déjà souligné dans ces mêmes colonnes que cela serait contreproductif. Il revient à oublier l'essentiel à savoir les droits bafoués des peuples syrien, irakien et iranien.

C'est une grave erreur de penser que la prise en compte des aspirations de ces peuples à la liberté et la prospérité dans leurs pays libérés du joug des tyrans ou le désir des démocraties de ne pas laisser des « atrocités de masse » impunies, relèvent de « bons sentiments » qui n'ont pas leur place dans le règlement des conflits moyen-orientaux aux enjeux géostratégiques majeurs. Soutenir ces peuples en isolant leurs gouvernants est au contraire un investissement stratégique important pour l'avenir et donc le « realpolitik » d'un tout autre type. Il faut donner cette chance à l'avenir. Espérons que Washington et Paris ont bien saisi cette opportunité.