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Il ne peut pas y avoir de régime modéré des mollahs

29 juin 2018

« Nous sommes plus nombreux maintenant à expliquer la réalité de la lutte du peuple iranien, la réalité de la résistance iranienne et les enjeux que cela représente, non seulement pour le peuple iranien mais pour nous tous en tant que membre de la communauté internationale et amoureux de la paix de la justice. »

Depuis 17 ans derrière la cause de la résistance Iranienne, Sid Ahmed Ghozali, ancien Premier Ministre Algérien considère que cette cause interpelle tout citoyen du monde. Voici son intervention :

« Il y a 70 ans, en 1939, deux gouvernements, le gouvernement français et le gouvernement britannique, sous la direction de Daladier et Chamberlain si je ne me trompe pas, sont allés à Munich en 1938 avec les meilleures intentions du monde. Ils croyaient pouvoir apaiser Hitler - le dictateur de l'époque - en lui cédant l'Autriche et les Sudètes, car il leur a promis, il leur a dit « Si vous me donnez ça, je ne fais pas la guerre ». Et quelques mois après, la Pologne était envahie et c'était la deuxième guerre mondiale. Ce que je veux dire par là, c'est que les puissances occidentales peuvent commettre des erreurs tragiques et que l'histoire bégaie et à recommencer avec cette histoire iranienne.

Sid Ahmed Ghozali
Sid Ahmed Ghozali

Comme a dit Churchill, il y avait la république de Weimar qui a succédé à la première guerre mondiale, qui était la plus belle et la plus démocratique des républiques, ça n'a pas empêché de tomber entre les mains du pouvoir nazi. Et Churchill, quand il y a eu la guerre, a dit aux deux gouvernements, « vous avez cru gagner la paix en cédant l'honneur, vous avez eu et la guerre et le déshonneur ».

On n'entend jamais parler du peuple iranien

Pourquoi je cite cela ? Parce qu'il y a une ressemblance étrange avec l'attitude que j'espère passer des occidentaux vis-à-vis de la résistance iranienne. C'est basé exactement sur la même erreur tragique. En 1997, il y avait l'arrivée à la présidence de la république iranienne de Khatami, qui était considéré comme étant un modéré et je ne sais pas qui a mis dans la tête des démocrates, mais à l'époque, ils ont dit : « nous allons résoudre ce problème iranien en favorisant l'éclosion d'un courant modéré ». Pour favoriser ce courant modéré sensé être représenté par Khatami, ils ont sacrifié purement et simplement la résistance iranienne et l'ont inscrite dans la liste des organisations terroristes. Les Etats-Unis ont été suivis par le gouvernement, l'administration Blair et le ministre des affaires étrangères de l'époque Straw lui-même a dit « Nous avons inscrit l'OMPI dans la liste des organisations terroristes pour apaiser le gouvernement iranien, pour apaiser le régime des mollahs ». Alors c'est ainsi que depuis vingt ans nous entendons parler des milliers et des milliers de mots qui sont prononcés à droite et à gauche sur la scène politique internationale. On parle tantôt du chiisme et du sunnisme, du nucléaire etc. des affaires économiques, mais jamais du peuple iranien. C'est comme s'il n'existait pas. Stevenson a cité tout à l'heure le cas les massacres de 1988 vers la fin de la guerre où il y avait plus de trente mille prisonniers politiques dans les geôles des mollahs et que c'était des prisonniers qui avaient été condamnés par la justice iranienne. Les uns à trois ans de prisons, les autres à dix, les autres à quinze, les autres à vingt et certains survivants sont ici d'ailleurs dans cette salle et en Europe, ils peuvent témoigner. Une simple fatwa de Khomeiny a fait que ces trente mille prisonniers ont été pendus, exécutés dans un silence assourdissant. La communauté internationale, le monde occidental qui n'a de mots que pour les droits de l'homme, la justice, la paix, eh bien il s'est tu. Ce n'est que maintenant que l'ONU, depuis l'an dernier, a ressorti cette affaire et dont nous espérons que pour la première fois l'assemblée générale des États-Unis a soulevé ce problème et nous espérons qu'il conduira à passer les mollahs par le tribunal pénal international, parce que c'est un crime contre l'humanité qui a été commis. J'en viens à l'histoire de courant modéré.

Comment peut-on commettre des bévues monumentales au niveau des plus grandes puissances ? Il ne peut pas y avoir de régime des mollahs modéré, pourquoi ? Parce que le régime des mollahs est basé sur l'instrumentation de la religion musulmane à des fins politiciennes. Et ce régime qui au nom de l'islam a tué des dizaines de milliers d'Iraniens et les a exécutés, tout simplement parce qu'ils se sont opposés à son action, ne peut pas être modéré, ne peut pas avoir un courant modéré. L'islam qui se définit comme étant la religion du milieu déteste les extrêmes. Donc, si on a la moindre connaissance de la situation dans cette région-là, on ne peut pas comprendre que ceux qui tuent des innocents puissent être modérés. Et dans le Coran, tuer des innocents est défini exactement comme un crime contre l'humanité.

Alors comment les Occidentaux peuvent-ils se tromper de cette manière-là ? Je sais qu'ils l'ont fait avec les meilleures intentions du monde. Mais en politique messieurs ce ne sont pas les intentions qui comptent. Ce qui compte c'est le résultat et la politique qui a été menée par les occidentaux et son attitude de complaisance vis-à-vis du régime des mollahs, c'est quelque chose qui menace pas seulement le peuple iranien mais l'humanité entière. Car la problématique iranienne et c'est bien celle-là, la problématique iranienne ce n'est pas une question d'opposition entre le chiisme et le sunnisme, ça c'est faux, c'est complètement faux ; la meilleure preuve c'est quand on se demande qui tue le plus de chiite ? Qui massacre le plus de chiites ? C'est un régime chiite, c'est le régime des mollahs. Donc ce n'est pas une affaire d'opposition, ce n'est pas une affaire de rivalité entre telle et telle puissance, entre l'Arabie Saoudite par ailleurs parce que c'est maintenant qu'on dit c'est la rivalité entre Arabie Saoudite et l'Iran, mais pas du tout. Moi j'ai vécu ça, j'ai connu l'Iran du shah et j'ai connu l'Iran de la république islamique et j'ai entendu de mes oreilles - j'étais à trois mètres - le shah d'Iran dire à Alger en 1975, en mars 1975, « l'Iran sera en 1980, la troisième puissance militaire et industrielle du monde ». Regardez comme les dictateurs finissent par croire à leurs propres fantasmes. Les mollahs c'est une autre dictature et c'est ça la tragédie iranienne, c'est que la dictature du shah n'a été abattue que pour laisser la place à une autre dictature encore plus cruelle, parce qu'en plus de ça, c'est une dictature religieuse.

Il faut rétablir la vérité de la problématique iranienne

Le travail que nous avons à faire, c'est absolument de rétablir la vérité de la problématique iranienne. La problématique est celle-là : il y a une dictature et vous savez tous que les dictateurs pour mieux s'imposer à leur peuple, ils cherchent l'expansion, ils cherchent à s'étendre vers l'extérieur. L'Iran s'est fixé dans son objectif par les cris, il veut dominer le monde arabo-musulman. L'Iran - le régime des mollahs - veut dominer et comment dominer ? Par la déstabilisation. Alors regardez ce qu'il se passe : les quatre centres de violence guerrière en Irak, qui est derrière ? L'Iran. En Syrie, qui est derrière ? Le régime des mollahs. Au Liban, qui est derrière ? Le régime des mollahs. Au Yémen, qui est derrière ? Le régime des mollahs. Et j'ai vécu moi-même en tant que chef du gouvernement sous la présidence de Boudiaf qui est le chef le plus prestigieux de la lutte de libération nationale algérienne. Mohamed Boudiaf a rompu les relations diplomatiques avec l'Iran en 1992. Pourquoi ? Parce que cet Iran-là, nous avons constaté qu'il a soutenu matériellement, politiquement, financièrement, militairement, le terrorisme en Algérie. Ce terrorisme qu'Yves Bonnet connaît bien, en tant que directeur de la sûreté du territoire, c'est l'un des rares responsables qui a été du côté de l'Algérie pendant la période du terrorisme. C'est l'un des rares. Et à ce moment-là, le gouvernement français s'était tu. On a laissé l'Algérie, même le gouvernement américain, vivre pendant dix ans les affres du terrorisme parce que ça n'arrive qu'aux autres. On ferme les yeux comme l'autruche met la tête dans le sable quand il y a un danger. Alors la réalité, c'est que les mollahs ont inscrit dans la constitution sous le terme de « exportation de la révolution islamique », c'est dans leur constitution, ils veulent exporter la révolution qu'ils appellent « la révolution islamique » - qui n'a rien d'islamique - à travers le monde pour mieux le dominer. Et ce qu'il se passe actuellement dans la région du Golfe, ils veulent exclure la famille saoudienne du Hejaz, qui est l'emplacement le plus prestigieux de la religion islamique, pour pouvoir dominer le monde en mettant la main sur le Hejaz, sur la Mecque.

Le régime reconnait que l'OMPI peut déclencher la révolution en Iran

Donc il faut bien se mettre en tête que ce qu'on appelle que l'organisation des Moudjahidine du peuple d'Iran (OMPI) c'est d'abord un mouvement de résistance, ce n'est pas un simple parti politique qui est là pour contester le pouvoir à un pouvoir en place. Car l'action de l'OMPI, elle ne date pas de 1979, elle date du Shah et ce sont eux principalement, - comme l'a dit Yves Bonnet - les successeurs, les fils spirituels de Mossadegh qui ont fait tomber le Shah. Moi je peux vous dire, j'étais trop jeune à l'époque, le président de l'union des étudiants algériens pendant la guerre de la libération algérienne est allé visiter l'Iran du Shah. Il a rencontré Khomeiny sur place. Qui lui a présenté Khomeiny ? C'était le Shah qui l'a présenté.

Il y a là ce qu'on appelle des erreurs tragiques et qui font que des gens en apparence antagonistes mais sont en réalité comme cul et chemise. Et notre devoir est de rétablir cette vérité. L'opposition iranienne - ce qu'on appelle l'opposition - c'est la résistance iranienne. On a dit qu'ils ne sont pas représentatifs mais quand on a payé de 120 000 de ses membres, une lutte politique, ça c'est pas rien...

Regardez les instruments audiovisuels jusqu'à maintenant, il y a des films, des documents audiovisuels qui montrent des meetings organisés par Massoud Radjavi en 1980. Il réunissait 500 000 iraniens à Téhéran. Et c'est maintenant seulement que ce mouvement qu'on considère comme non représentatif, innocemment, Khamenei dit être derrière ces manifestations dans 142 villes iraniennes les plus importantes. C'est l'OMPI qui est derrière. Quelle plus belle reconnaissance du fait que l'OMPI peut déclencher la révolution en Iran. Et c'est pour ça que Madame Radjavi, depuis des années et des années bien avant l'accord dont a parlé Yves Bonnet, bien avant, elle a dit la solution du problème ce n'est pas les négociations, parce qu'un dictateur, vous ne pouvez pas lui faire confiance, il peut vous promettre tout, il ne vous donnera rien. Ce n'est pas non plus la guerre parce qu'elle servira le régime en place et le prendra comme victime. C'est là qu'elle a parlé et jamais cessé de parler de la troisième voie : c'est laisser le peuple iranien se débarrasser de ce régime. Et seul le peuple iranien. Et le peuple iranien, il a une seule organisation qui le représente et qui est capable de constituer une alternative. Parce qu'il ne suffit pas que le régime tombe, parce que le régime peut tomber et le pays tomber dans le chaos, c'est ce qui est arrivé en Libye, parce que la Libye n'avait pas l'équivalent de l'OMPI. Le peuple iranien a la chance d'avoir l'OMPI. Demain, ce régime, s'écroule, il y a le peuple qui est là qui peut actionner et qui peut véhiculer les mouvements vers le positif. Maintenant, les affaires économiques : là aussi les occidentaux se trompent. La rafle scélérate dont a parlé Yves Bonnet.

L'Iran est incapable d'échanger parce que dictatorial est par définition incompétent

Mais si on veut vraiment parler d'économie, mais l'économie c'est quoi ? C'est les échanges et c'est l'importance des échanges commerciaux entre les occidents et l'Iran. L'Iran est incapable d'échanger parce que le régime politique dictatorial est par définition incompétent. Tout l'argent est parti dans les poches des dirigeants. Par contre demain, quand il y aura un mouvement démocratique qui cherche les intérêts du peuple, là il pourra développer le pays et échanger 100 milliards au lieu de 10 actuellement.
Donc même la raison économique est fausse. Ce n'est pas ça qui justifie la complaisance avec les mollahs. Je vous félicite parce que il y a 15/16 ans, il y avait deux ou trois américains auprès de l'OMPI. Il y avait déjà un certain nombre de dizaines d'européens et puis le nombre d'européens, des députés, des élus du peuple de 28 états, pendant que leurs gouvernements classaient l'OMPI sur la liste noire, ces amoureux de la paix dont on a un spécimen ici à côté de nous, Monsieur Struan Stevenson.

Ils ont été des milliers d'élus des peuples des états à soutenir et continuer à le faire pendant que leurs gouvernements les classaient dans la liste des organisations terroristes. Et maintenant les américains et ça nous je vous félicite, ils sont maintenant une cinquantaine et qui ont connu des niveaux de responsabilité très élevés et c'est ça qui me réconforte parce que nous sommes plus nombreux maintenant à expliquer la réalité de la lutte du peuple iranien, la réalité de la résistance iranienne et les enjeux que cela représente, non seulement pour le peuple iranien mais pour nous tous en tant que membre de la communauté internationale et amoureux de la paix de la justice. »