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Question nucléaire et la politique régionale du régime des mollahs

Assemblée nationale, 24 novembre 2021

Le Secrétaire général de la FEMO, Nader Nouri est intervenu lors d'un colloque à l'assemblée national à l'initiative du Comité parlementaire pour un Iran démocratique (CPID) le 24 novembre. Des députés français membre du CPID participaient à ce colloque intitulée : « Moyent-Orient : le rôle déstabilisateur de l'Iran »

Voici le texte de l'exposé de M. Nader Nouri.

Introduction

Permettez-moi d'abord de rappeler un point essentiel pour mieux comprendre le cœur de ce qui est convenu d'appeler « la question iranienne » ou « la crise iranienne » depuis 4 décennies : il s'agit de l'opposition fondamentale entre une population pratiquement prise en otage et les gouvernants qui ont perdu toute légitimité ; d'où la genèse d'un programme nucléaire militaire pour acquérir la bombe atomique et sanctuariser le régime et la crise majeure internationale qui s'en est suivie, ainsi qu'un vaste programme offensif de missiles balistiques et une politique expansionniste visant la plupart des pays du Proche et Moyen-Orient et du golfe Persique. Tout cela dans la cadre d'un projet de survie face à une population en rébellion comme l'atteste une répression féroce (novembre 2019).

Nous verrons que sur tous ces plans, la politique poursuivie par la république islamique va à l'encontre de la politique française visant à premièrement, contenir la prolifération nucléaire (la France a toujours joué un rôle de premier plan sur ce terrain) et deuxièmement, contribuer à la paix, à la stabilité et à la prospérité économique des pays de la région, notamment des alliés historiques comme le Liban et l'Irak.

Sur le nucléaire

-les négociations de Vienne débutées en avril dernier entre Téhéran et Washington par l'entremise de la troïka européenne (plus la Russie et la Chine malgré leur jeu ambiguë) pour relancer l'accord nucléaire de 2015 sont au point mort depuis près de cinq mois, et l'emprise totale de la faction du guide suprême Khamenei sur les pouvoirs exécutif, législatifs et judiciaires. Entretemps, le régime a accéléré son programme d'enrichissement d'uranium à des taux et des volumes largement dépassant ceux autorisés par l'accord de 2015 et surtout cessé à coopérer de manière significative avec l'AIEA.

-Les déclarations de M. Grossi, directeur général de l'AIEA exprimant sa profonde inquiétude sur les activités nucléaire réelles du régime, sont très révélatrices, notamment sa déclaration à cet effet que seuls les pays qui ont des visées nucléaires militaires enrichissent l'uranium à des taux aussi élevés que 60%...Et le fait qu'il se dit perplexe à ne pouvoir parler à aucun dirigeant politique (MAE Mir-Abdollahian, Raïssi étant « injoignables ») Mohammad Eslami, chef de l'OIEA, seul interlocuteur !

-Tout indique que le régime accélère son programme pour atteindre un seuil de non-retour nucléaire pour mettre la communauté internationale devant un fait accompli. Son comportement montre clairement qu'il ne prend pas au sérieux les mises en garde occidentales et de l'AIEA, car il a face à lui une administration américaine qui a hâte de conclure un accord même provisoire... et une UE plutôt complaisante...

Sauf la France où il nous semble qu'il y a une prise de conscience et une volonté de faire face plus fermement à la menace (déclarations de Le Drian/ Le Monde + déclaration du Quai d'Orsay appelant l'AIEA/Conseil des gouverneurs à plus de fermeté face au régime)

-La visite de Bagheri-Kani à Paris n'a pas donné le résultat escompté par le régime (rallier la France et les Européens à ses positions profitant des divergences actuelles avec les USA)...

-La seule solution est de saisir le Conseil de sécurité de l'ONU par l'AIEA et recours à la chapitre 7 de la charte de l'ONU (que le régime veut éviter à tout prix d'où ses manœuvres dilatoires actuelles. La France peut jouer un rôle important dans ce processus en prenant la tête de l'UE en janvier...

L'expansionnisme régional

-Là encore le régime a cherché à étendre sa « profondeur stratégique » en influençant et instrumentalisant les communautés chiites en raison de sa méfiance à l'égard de la population à l'intérieur du pays :

-il tente de projeter ses problèmes internes vers des crises extérieures pour détourner l'attention du monde extérieur de la situation très grave de l'intérieur

-Ainsi il masque sa faiblesse à l'intérieur (la désignation de Raïssi et la mainmise sur le Majlis, signes de faiblesse et non de puissance)

-Or, même dans ses zones d'influence dans la région, les choses vont mal pour le régime :

Irak : les élections d'octobre résultant en un échec cuisant pour la vitrine politique des milices pro-Téhéran au parlement irakien montrent que là où il y a un minimum de l'Etat de droit et des élections libres et équitables, les forces obscurantistes violentes inféodées aux mollahs ont peu de chance de l'emporter (rappelons la révolte des Irakiens, en octobre 2019, population du sud chiite comprise, contre la présence du régime et l'influence de ses affidés/Force Qods...les consulats incendiés à Nadjaf et Bassorah)

Ces forces ont réagi avec la force brute et tenté d'assassiner le PM Al-Kazemi, vivement condamné par la France entre autres (conversation téléphonique de Le Drian avec Mir-abdollahian)

Au Liban

La révolte populaire de 2019 contre le gouvernement sous l'emprise du Hezbollah à cause des pénuries et la faillite économique du système ; là encore le Hezbollah a recours à la force brute en assassinant des opposants, voire tentent de remplacer, par la force, un juge d'instruction qui s'intéresse au rôle du Hezbollah dans l'explosion meurtrière criminelle de port de Beyrouth...

-Les plans et initiatives du président Macron au Liban mis en échec par le Hezbollah, exécutant les politiques de Téhéran (l'article d'Alain Frachon dans Le Monde)...

-En Irak la conférence pour la paix et stabilité régionale organisée en août sous la présidence française sera vouée à l'échec tant que la RI reste la force dominante dans ce pays que celle-ci veut garder faible, divisé et instable pour continuer à l'utiliser comme un terrain d'affrontement et de crise...)

Conclusion : il faut que l'Occident, notamment les Européens, décident, une fois pour toutes, de se mettre aux côtés du peuple iranien de manière concrète et ostensible pour envoyer un message clair à la fois au peuple et aux gouvernants (exemple de la Biélorussie ?) : cela implique à cesser de se laisser leurrer par la question nucléaire ou se laisser impressionner par l'agressivité du régime et ses pratiques brutales comme prises d'otages ou terrorisme, et agir fermement sur la question des droits humains...