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Iran : la répression des femmes pour étouffer une société en ébullition

Par Sara Nouri-Meshkati

Les médias officiels iraniens ont annoncé que les patrouilles mobiles et à pied de la police vont à nouveau sillonner le pays pour réprimer les femmes qui enfreignent le code vestimentaire du régime islamiste. Selon les témoignages sur place, et contrairement au passé, ces patrouilles et véhicules ne portent pas les insignes de la police de mœurs, afin de surprendre les femmes qui ne respectent pas les consignes des autorités du régime.

Cette annonce officielle sur la mobilisation des patrouilles réprimant les femmes intervient après que des vidéos ont été diffusées sur les réseaux sociaux ces derniers jours, montrant des agents procéder à des arrestations de femmes et des documents judiciaires condamnant les contrevenantes à des amendes conséquentes ou à des travaux forcés, tels que laver les cadavres dans le cimetière de Téhéran. Mohammad Bagher Ghalibaf, président du Majlis (parlement des mollahs), a déclaré que la violation du code vestimentaire est un délit qui doit être puni et qu'un projet de loi sur le hijab entrera bientôt en vigueur avec plus de 60 articles. (Quotidien Entekhab, 16 juillet)

Les cheveux des femmes ont été brandis comme une menace pour la sécurité des mollahs depuis qu'ils ont pris le pouvoir il y a 40 ans. L'appellation de la police répressive a changé depuis 1979, passant de « Patrouilles Sarollah » dans les années 1980, aux « Ansar Hezbollah » lancées par les Gardiens de la révolution en 2013, puis les patrouilles « Gashte Ershad ». Mais leur objectif est resté le même : la répression des femmes et, par ce biais, la répression de toute la société.

Nous approchons de l'anniversaire du soulèvement populaire du mois de septembre 2022 qui a embrasé le pays pendant plusieurs mois et ébranlé le régime dans ses fondements. Cherchant à repousser toujours plus loin son inéluctable renversement, il veut éviter une nouvelle révolte en faisant régner la terreur dans la société par tous les moyens.

Depuis 2017, les braves Iraniennes et Iraniens se sont soulevés à plusieurs reprises contre la tyrannie et pour demander la fin du régime du Guide suprême. Lors du soulèvement de l'année dernière, le régime iranien n'a été en mesure de mater l'insurrection que par un bain de sang, ce qui a coûté la vie à au moins 750 manifestants et a entraîné l'arrestation de quelques 30 000 autres. Sept jeunes courageux ont ensuite été exécutés dans le but d'abattre la population. Par ailleurs, les exécutions non politiques ont monté en flèche, plaçant l'Iran au premier rang des pays qui pratiquent la peine de mort, avec au moins 206 personnes exécutées pour diverses accusations de droit commun au cours des six premiers mois de 2023, soit une augmentation de 126 % par rapport à la même période en 2022, où 91 personnes avaient été exécutées.

Dans une interview depuis Téhéran avec le journal La Croix, Sahar, 29 ans, une militante du mouvement de résistance des Moudjahidine du Peuple (OMPI) a expliqué l'enjeux politique autour de la question du voile obligatoire : « Le but de ces patrouilles n'est pas d'obliger au port du hijab. Son seul but est de réprimer et d'effrayer les femmes afin qu'elles ne descendent pas dans la rue pour protester (…) Sahar se présente comme une « moudjahidine », une combattante. Je porte le hijab par choix, poursuit-elle. Mais je crois en la liberté de choix. Les femmes ont le droit de s'habiller librement. Les femmes ont le droit à la liberté mais en Iran, nous sommes privés de tout cela par des tyrans et une dictature fasciste. Ce régime n'ira nulle part avec des patrouilles de répression. La révolution est notre seul moyen. »

Car si la question de la liberté vestimentaire a été le déclencheur du soulèvement de l'année dernière, les maux de la société iranienne sont bien plus larges et les revendications de la population bien plus profondes. Le changement de régime s'impose aux Iraniens et Iraniennes comme une évidence pour en finir avec plus de quatre décennies d'un régime despotique et corrompu, qui dilapide les richesses de la nation dans l'armement nucléaire et balistique avec son bellicisme régional.

Les Iraniens se préparent pour le prochain face à face avec le pouvoir, qui peut survenir à tout moment. Les « unités de résistance » composées des étudiants des universités, des jeunes des quartiers, des acteurs de la société civile et des femmes révulsées par la misogynie des mollahs, sont les moteurs de cette révolution en devenir.

Ces jours-ci, plusieurs réseaux sociaux diffusent largement les actions des unités de résistance à travers le pays, affichant les portraits et les mots d'ordre de Maryam Radjavi, la figure emblématique de la Résistance iranienne qui appelle à l'instauration d'une république laïque et démocratique et dont la devise est « contre le voile obligatoire, la religion obligatoire et le gouvernement obligatoire ».

Ici en Occident, nous pouvons aider le peuple iranien à venir à bout de ses dictateurs. Pour cela, il est nécessaire de cesser la politique de complaisance face aux crimes du régime contre son peuple, et de ne plus céder à la diplomatie des otages et du chantage nucléaire pratiqué par Téhéran.

Le soutien de la résistance et du droit à l'autodéfense du peuple iranien face à la tyrannie est indispensable. L'ouverture d'un dialogue avec les interlocuteurs efficaces de la résistance iranienne et les représentants des aspirations légitimes du peuple iranien permettra d'aboutir à une république démocratique et laïque en Iran.

Sara Nouri-Meshkati est avocate au barreau de Paris et contributeur à la FEMO