LE DANGER, C'EST LA COMPLAISANCE
JEAN-PIERRE BRARD, ancien parlementaire et maire, co-fonfateur du CFID
Le jeudi 28 mars 2024, s'est tenue à Paris une conférence à l'initiative de la Fondations d'Etudes du pour le Moyen-Orient (FEMO) sur désinformation comme moyen de survie pratiquée par le pouvoir iranien. L'intervention qui suit a été faite lors de cette conférence.
Les tentatives
d'infiltration par les services secrets, si vous lisez "L'art de la
guerre" du fameux Chinois, déjà, il y a 2 500 ans, ils ont pratiqué ça
pour affaiblir l'adversaire. Mais évidemment, ça se renouvelle. Moi, j'ai été
très proche de l'ex-République démocratique allemande et donc j'ai suivi de
près l'affaire Gunther Guillaume, qui rappellera certaines choses, certains temps,
où les services de la RDA avaient réussi à infiltrer jusqu'à Willy Brandt.
Gunther Guillaume était un agent de la RDA et l'un des principaux
collaborateurs de Willy Brandt. C'était très fort.
Si vous nous regardez, vous pouvez être surpris parfois. Moi, je suis de filiation communiste et aujourd'hui, dans notre bataille pour soutenir l'OMPI, nous travaillons, par exemple, avec Michèle Alliot-Marie, qui n'est pas connue pour être une gauchiste dangereuse, ou bien Bernard Kouchner, qui ne l'est pas davantage. Pourquoi ? Parce que dans l'esprit de notre histoire nationale, et je renvoie à la Deuxième Guerre mondiale, pour se débarrasser de l'ennemi qui menace l'existence à l'époque de la nation française, il faut savoir s'unir sur les choses essentielles que nous voulons absolument défendre et préserver.
Qu'est-ce qui s'est passé dans cette période ? C'est l'espèce de front commun communiste-gaulliste pour la libération du pays. Et on ne peut pas dire que ça ait mal marché. Quand il y a eu la reddition des nazis à Paris, même si le général de Gaulle s'est étonné de voir la signature du colonel Roll Tanguy sur l'acte de reddition des nazis, c'était simplement en acte du fait que la résistance communiste, pas seulement à Paris, avait été déterminante pour vaincre l'oppression nazie.
Dans notre démarche vis-à-vis de l'OMPI, nous essayons de rassembler. Et à l'Assemblée nationale, nous avons fondé le Comité parlementaire pour un Iran démocratique. C'est une oeuvre de longue haleine, parce qu'entre collègues qui ne sont pas du même bord, quand on fait des propositions d'actions communes, parfois, vous dites : oh là là, qu'est-ce que ça cache, ça? Vous imaginez la plupart des parlementaires qui sont dans cet état d'esprit où ils réfléchissent avant d'engager leur signature. Et l'année dernière, le cap de plus de la moitié des députés français soutenant l'OMPI a été franchi, malgré les campagnes de désinformation du fascisme iranien. C'est un travail persévérant.
Je peux vous dire qu'au Sénat, par exemple, vous aviez des collègues comme Jean-Pierre Michel, qui était sénateur chevénementiste, et Alain Néri, socialiste, qui ont été l'objet de démarches insistantes pour essayer de les détacher de l'OMPI en leur racontant les choses les plus horribles sur l'OMPI. Par exemple, qu'ils avaient collaboré avec Sadam Hussein, l'Irakien qui avait des armes de destruction massive, qu'on n'a jamais trouvées d'ailleurs. Pourquoi ? Parce que l'OMPI avait une base qui était installée sur le territoire irakien d'où elle combattait la dictature des mollahs.
« L'année dernière, le cap de plus de la moitié des députés français soutenant l'OMPI a été franchi, malgré les campagnes de désinformation du fascisme iranien »
Il y a ceux qui me disent : oui, mais vous vous rendez compte, ils étaient associés à Saddam Hussein. Non, ils n'étaient pas associés à Saddam Hussein. Ils avaient obtenu une enclave en Irak. Parce que si on dit, ils étaient associés à Saddam Hussein parce que du territoire irakien, ils menaient leurs actions contre la dictature théocratique des mollahs, que faut-il dire de l'escadrille Normandie-Niémen pendant la guerre ? Où était-elle basée, cette escadrille ? Elle était en Union soviétique. Et néanmoins, cette escadrille était autonome pour mener le combat contre les nazis. Je sais que comparaison n'est pas raison, mais parfois, il faut quand même garder l'histoire à l'esprit et ne jamais perdre de vue l'essentiel.
L'essentiel, c'est le combat de libération du peuple iranien pour son émancipation et pour qu'il ait le droit, comme tous les autres peuples, de choisir son destin. Et dans les 10 points qui ont été présentés par Maryam Radjavi, il y a la liberté de religion, l'égalit des hommes et des femmes, la reconnaissance des droits des minorités ethniques — et Dieu sait qu'il y en a en Iran. C'est là-dessus qu'il faut se baser pour apprécier de quel côté on est.
On a dit que l'OMPI est une secte. C'est un sujet que je connais un petit peu, pour y avoir travaillé et être devenu la bête noire de la scientologie et des témoins de Jéhovah, ce dont je m'honore. Vous savez ce qu'on dit : on ne jette pas de pierres à l'arbre qui ne porte pas de fruit. De ce point de vue, pour la lapidation, on est quelques-uns à en avoir eu notre part. Et pour les sectes, les députés tous ensemble, sans tenir compte des filiations des uns et des autres, avaient défini dix critères qui permettaient à peu près d'identifier une secte. Et je peux vous dire que l'OMPI, selon ces critères, ne ressemble pas du tout à une secte. Une secte, c'est une structure pyramidale qui décrit l'environnement des adeptes comme étant un environnement dangereux duquel il faut se méfier, et qu'il faut se défier de la société. L'OMPI, ce n'est pas ça du tout. L'OMPI ne dit pas qu'il faut se défier de la société. Elle dit que dans la nation iranienne, il faut construire un nouveau système qui soit l'alternative à la dictature actuelle.
Que ce discours ne plaise pas aux mollahs, je le comprends, mais vous voyez bien que désigner l'OMPI comme étant une secte, il s'agit simplement de dénigrer, de discréditer.
Là, ce n'est pas un discours communiste.
Quant aux tentatives d'infiltration, il y en a beaucoup. Vous voyez à la télévision de temps en temps un certain M. Hourcade, un expert. Les journalistes vous disent "un expert". Qui est M. Hourcade ? Un universitaire qui a écrit un guide touristique concernant la ville de Téhéran. Et ce guide touristique était préfacé par un grand démocrate iranien qui s'appelle Ahmadinejad. Alors qui vous fréquentez ... et vous pourrez juger de qui il s'agit. Ce n'est pas le seul. Certains journalistes sont des agents plus discrets. Ces journalistes, qu'est-ce qu'ils vous disent à la télévision ? Qu'en Iran, il y a des modérés et des radicaux. Vous savez, les islamistes, des extrémistes en général, moi, je ne vois pas de modérés, je vois des gens dissimulés - ce n'est pas tout à fait pareil - avec habileté souvent.
Et donc, dans notre pays des Lumières, parfois ce sont des lumières intermittentes, hélas, il y a quelque chose : on devrait avoir appris que normalement l'école, dont j'étais un fonctionnaire avant d'être député, nous apprend l'esprit critique. Quand je croise des groupes de gamins qui sont avec leurs enseignants à l'Assemblée nationale pour une visite, je leur dis toujours : ne croyez jamais ce qu'on vous dit sans réfléchir, même ce que votre professeur vous dit. Méfiez-vous ! Ça ne fait pas toujours plaisir au professeur, mais c'est pourtant vrai. Il faut apprendre l'esprit critique, et surtout le pratiquer.
"L'essentiel, c'est le combat de libération du peuple iranien pour son émancipation et pour qu'il ait le droit, comme tous les autres peuples, de choisir son destin"
Je vais vous
donner un exemple assez récent de tentatives d'infiltration à l'Assemblée nationale.
Ça concerne le groupe auquel j'ai appartenu pendant 24 ans. Il y a un des députés,
membre du groupe, qui a reçu une missive de Mme Françoise Hostalier. Vous ne
vous rappelez plus qui c'est, Mme Hostalier. Cette dame, femme politique du
nord de la France, a envoyé un courrier, il n'y a pas longtemps, au député du
groupe de la gauche démocrate et républicaine, qui est présidée par quelqu'un
que j'estime beaucoup, André Chassaigne, que vous voyez à la télévision de
temps en temps. Homme charismatique, intelligent, qui a l'esprit critique, lui
aussi. Ce député reçoit une lettre de Mme Hostalier, qui a appelé à voter
madame Le Pen. Ce courrier dénonce l'OMPI comme étant un mouvement sectaire,
etc. Avec des choses que j'ai déjà dites. Elle dit aussi que c'est un mouvement
qui a été condamné. C'est vrai que l'OMPI a été sur la liste des organisations
terroristes pendant un temps, mais après avoir fait beaucoup d'efforts,
beaucoup de campagnes, l'OMPI est sortie de toutes les listes. Ça n'a pas été
sans mal, parce que vous imaginez que ceux qui avaient obtenu que l'OMPI soit
sur la liste ont fait beaucoup d'efforts pour qu'on ne l'en sorte pas.
"Nos amis iraniens ne nous demandent pas qu'on envoie des troupes au sol. Ils demandent qu'on les aide sur le plan politique pour que le régime théocratique soit isolé"
Aujourd'hui, l'OMPI a été blanchie de tout cela. Il y a dans notre pays des gens qui ont contribué à enfoncer l'OMPI, y compris Dominique de Villepin. Vous voyez comme quoi les gens sont complexes. Il faut toujours regarder les deux faces de la pièce pour voir si elle brille également quand vous la retournez. Et dans le cas de Dominique de Villepin, dont je n'oublie pas qu'il a fait ce magnifique discours à l'ONU pour ne pas embarquer la France dans la guerre en Irak, je n'oublie pas que dans cette affaire, il a eu un rôle dont il ne peut pas être fier. C'est la réalité. Et comme disait Jean Jaurès : chercher et dire la vérité est révolutionnaire. Il ne faut jamais oublier nos fondamentaux. Jaurès en fait partie. C'est pour ça qu'on l'a tué d'ailleurs. Vous voyez, il faut réfléchir et voir de quel côté sont les gens qu'on doit fréquenter et qu'on doit aider.Nos amis iraniens ne nous demandent pas qu'on envoie des troupes au sol. Ils demandent qu'on les aide sur le plan politique pour que le régime théocratique soit isolé. Quels sont les dangers aujourd'hui ? C'est que nous avons trop de complaisances vis-à-vis du régime théocratique. Ces complaisances, elles sont inspirées parfois... Vous savez, c'est le pays des mille et une nuits avec les senteurs, les parfums, mais parfois, il y a des parfums auxquels on n'est pas forcément habitué, et qui sont très dangereux. Par exemple, l'odeur du pétrole. L'odeur du pétrole, ça fait qu'on trouve des vertus à des gens qui n'en ont pas.
Et pour l'alternative au régime des mollahs, vous pensez qu'il y en a qui ont remarqué qu'il y a des réserves importantes de pétrole et bien d'autres choses en Iran et qui, à partir de là, sont prêts à être complaisants.