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Le coronavirus pourrait-il entraîner la chute du régime islamique en Iran ? 

PAR LAURENT GEY - EPOCH

En Iran comme en Chine, les crises se succèdent à un rythme sans précédent ces dernières semaines. La réponse des régimes autoritaires face à la crise de coronavirus pourrait se retourner contre eux et entraîner leur chute. Cela pourrait particulièrement en Iran, où le régime à cause de son opacité est toujours au premier plan.

Nader Nouri, ancien diplomate iranien basé à Paris et secrétaire général de la Fondation d'études pour le Moyen Orient (Femo), nous explique les enjeux de la situation iranienne actuelle. Nous l'avons rencontré le 26 février.

Epoch Times: Quelle est la situation autour du coronavirus en Iran ?

Nader Nouri: Le virus a fait son apparition, d'après nos informations, au moins depuis trois semaines, en Iran. La source vient des déclarations des autorités, des parlementaires, donc c'est semi-officiel. C'est-à-dire qu'il y a des parlementaires, des élus, des gens de l'exécutif, mais surtout du personnel soignant, les médecins, les infirmières, le personnel des hôpitaux qui font circuler des informations sur les réseaux sociaux. Comme par exemple une radio du poumon d'un petit garçon qui est décédé dans l'hôpital d'un coronavirus mais les gens ont déclaré à sa famille que c'était une grippe saisonnière. Même aux membres de la famille qui étaient avec l'enfant, le personnel leur a dit : « Si vous ne toussez pas, allez chez vous ».

Par ailleurs, les gens disent sur les réseaux sociaux qu'ils n'ont aucune confiance en ce que racontent les autorités. Ils ont déjà déclaré officiellement « une soixantaine » de cas avérés atteints du virus et 15 morts. Or, il paraît d'après les récits des personnels soignants qui relatent ces informations, que pour leur propre santé, pour leur propre survie, il n'y a eu aucune préparation, qu'il y a un manque de tout, des masques, des bombes de désinfectant, tout ce qui est a priori nécessaire pour au moins se protéger.

Donc ce sont les médecins qui disent que les cas d'atteintes, de maladies, pourraient atteindre plusieurs centaines au moins. C'est-à-dire plusieurs fois ce qui a été déclaré, plus le nombre de morts.

D'après un parlementaire de la ville de Qom, qui vous savez a été le premier foyer de contagion du virus, il y a eu une cinquantaine de morts jusqu'à dimanche soir. Lundi, cela a été démenti par le vice-ministre de la Santé qui, lui-même, été ensuite testé positif. Il y a un autre parlementaire qui a été disqualifié, qui faisait partie des soi-disant informateurs sur la maladie. Lui aussi, il a été testé positif. C'est un parlementaire très connu pour son franc-parler. Il y a aussi un maire d'un arrondissement de Téhéran, la capitale, qui est atteint.

« D'après nos informations, il y a plusieurs mollahs de haut rang à Qom qui ont été atteints [par le coronavirus] »

D'après nos informations, il y a plusieurs mollahs de haut rang à Qom qui ont été atteints et c'est là qu'il y a une vraie crise, enfin intense pour ce qui est de la République islamique d'Iran, puisque le responsable des Affaires financières d'un des ayatollah est mort des suites du virus. Ce responsable était un mollah également.

On nous parle aussi d'au moins 500 étudiants chinois qui étaient déjà à Qom. C'est intéressant à savoir parce que concernant la Chine, la République islamique ayant des relations très proches de Pékin, la Chine est le premier partenaire commercial de Téhéran. La Chine est le seul pays qui achète encore un peu de pétrole de l'Iran, il est un très grand partenaire commercial.

Ce qui est grave est, on sait ce qui se passe maintenant en Chine, mais il paraît que les autorités dépendent tellement de la Chine qu'ils ont, malgré tous les avertissements de l'OMS, les autorités sanitaires de plusieurs pays, y compris le corps médical en Iran même, ils n'ont pas du tout interrompu les vols entre Téhéran ou les autres villes iraniennes et Pékin. Le plus connu est une compagnie aérienne privée en Iran, justement qui avait été créée par le fameux général Soleimani, dans la ville de Kerman. Cette compagnie privée a eu plusieurs vols par jour, à destination ou en provenance de Chine. Ils ont fait, depuis l'apparition du virus en Chine, au moins 55 vols .

« Les autorités iraniennes dépendent tellement de la Chine [...]qu'ils n'ont pas du tout interrompu les vols entre Téhéran ou les autres villes iraniennes et Pékin »

J'ai une anecdote à vous raconter sur l'ambassadeur chinois de Téhéran. Il paraît qu'au début de l'épidémie en Chine, l'Iran a envoyé une grande quantité de masques en Chine. Ensuite, après l'apparition du coronavirus en Iran, il y a eu une pénurie de masques, qui continue aujourd'hui : il y a des files d'attente devant les pharmacies. Il paraît que la Chine, pour remercier les Iraniens, a envoyé une livraison de masques à Téhéran et l'ambassadeur chinois à Téhéran a remercié sur son compte Twitter les Iraniens en écrivant « Iran, tiens bon » et en faisant part de ces masques qui arrivaient de Chine. Or il paraît que ce sont les mêmes masques que les Iraniens avaient envoyé en Chine, 1 mois plus tôt.

Epoch Times: Comment réagit le peuple iranien ?

Le peuple iranien a fait l'expérience il y a peu de l'avion de ligne ukrainien ayant été abattu par la DSRA, avec un bilan de 76 morts, la plupart des Canadiens, des étudiants, des gens brillants. Cela a vraiment mis en colère la population, notamment la classe moyenne, des étudiants sont descendus dans la rue, un des moments rares où tous les slogans ont pris pour cible le guide suprême lui-même.

Les gens ne croient plus en le président Rohani, ils savent qu'il ment, qu'il n'a rien fait de ses promesses. Il y a une crise de confiance depuis l'histoire de l'avion. Maintenant avec le coronavirus c'est une question de vie ou de mort. Combiné avec la mort de Soleimani, c'est un « game changer » dans les relations de l'Iran avec l'extérieur. Il y aura des conséquences sur le plan économique, le pays est déjà sous sanction, c'est une économie exsangue.

Vous pouvez imaginer avec la fermeture des frontières, par exemple avec les Émirats Arabes Unis, depuis hier, tous les vols ont été stoppés parce qu'ils ont eu 1 ou 2 cas de gens malades de retour d'Iran et du Koweït aussi. Vous savez, les relations politiques avec les Émirats arabes unis ne sont pas au beau fixe parce que les Émirats sont les alliés des Saoudiens et qu'ils font la guerre au Yémen. Avec Dubaï qui est un peu comme Hong-Kong au golfe Persique, il y a eu d'énormes échanges commerciaux et surtout des échanges qui permettaient aux Iraniens de contourner les sanctions.

Il y a certains analystes, et je le pense aussi, qui comparent également cette histoire à la centrale de Tchernobyl en Ukraine qui a, en quelque sorte, précipité la chute de l'Empire Soviétique, car justement ça avait créé une crise de confiance. Il se peut que le régime cherche à créer des ennuis ici ou là, à l'extérieur, des attentats, une petite guerre ici ou là, pour détourner l'attention vers un alibi extérieur.

Tout ça, on le verra dans les jours qui viennent d'après moi.

Retrouvez l'interview complète ici:

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d'Epoch Times.