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ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE IRANIENNE : DÉCHIRURE ÉLECTORALE OU DÉCHIRURE NATIONALE ?

Par Gérard Vespierre

Élection prÉsidentielle iranienne :

dÉchirure Électorale ou dÉchirure nationale ?

Par Gérard Vespierre

Directeur d'Études à la FEMO

Fondation d'Etudes pour le Moyen-Orient.

« Le problème que nous avons n'est pas l'accord nucléaire. Le problème que nous avons est de savoir combien de temps nous allons pouvoir rester au pouvoir ».

(Ali Akbar NATEGH-NOURI, mai 2018)

Ancien Président du Parlement iranien. Ancien ministre de l'intérieur.

Avant-propos

Ce travail, à la veille de l'élection présidentielle, a deux ambitions. La première, est de présenter avant toute chose une analyse de faits, de chiffres, de déclarations. La deuxième, est d'appréhender ces éléments depuis l'intérieur du pays. On limite en effet, trop souvent, les commentaires sur le régime iranien, aux négociations sur le nucléaire, à son action extérieure en Irak, au Liban, ou à son opposition à l'existence d'Israël.

Une élection présidentielle représente l'occasion de faire un bilan national, c'est-à-dire, intérieur. C'est ce à quoi ce dossier est consacré, s'appuyant le plus possible sur des faits et textes issus de sources iraniennes.

Introduction

Cette élection présidentielle présente des caractéristiques très particulières.

Hassan Rohani, président sortant, représentait une tendance moins radicale que celle du guide suprême, même s'ils sont conjointement responsables de toutes les décisions gouvernementales. Ebrahim Raïssi, son plus que probable successeur, s'est par contre positionné comme un radical, dès les premières heures de la révolution de 1979.

Il y aura donc le 18 Juin au soir, à Téhéran, un pouvoir, monolithique et, radical.

Ce changement très significatif intervient alors que le pays traverse une crise globale, depuis plusieurs années, économique, sociale, et maintenant sanitaire.

Selon de très nombreux médias du pays, le feu couve, c'est-à-dire que le pays pourrait être à l'aube de nouvelles éruptions sociales plus importantes et plus étendues que celles récentes de 2018 et 2019.

Cette élection intervient après 32 années de pouvoir du même guide suprême, Ali Khamenei, lui-même âgé bientôt de 82 ans, en juillet prochain. L'ère de ce guide suprême, approche de sa fin.

Autre particularité, et non des moindre, nombreuses sont les voix qui s'élèvent cette année en faveur du boycott de cette élection. Le divorce entre le peuple et le pouvoir sera mesuré par le taux (réel) d'abstention.

Radicalisme monolithique du nouveau pouvoir, profond mécontentement populaire économique et social, un guide suprême en fin de cursus, divorce probable entre le pouvoir et le peuple, cette élection présidentielle sera vraiment particulière.

En conséquence, les lendemains de ce scrutin s'annoncent imprévisibles. La répression, radicale, ne saurait en aucun cas constituer une solution à long terme. Le peuple iranien aura, tôt ou tard, le dernier mot.

PLAN

  • L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
  • Bilan d'Hassan Rohani
  • Le Conseil des Gardiens
  • Ebrahim RAÏSSI, le choix du radicalisme
  • Les perspectives de boycott
  • L'ÉCONOMIE
  • Les priorités fondamentales
  • Historique de croissance économique
  • La dérive monétaire et l'inflation
  • L'accord stratégique de 25 ans avec la Chine
  • LA SOCIÉTÉ IRANIENNE
  • La situation des femmes
  • La jeunesse : 3 alternatives
  • Le monde ouvrier
  • Les retraités
  • La situation sanitaire COVID-19
  • L'INCONNU POST-ÉLECTORAL : UNE SOCIETE ECLATEE, LE FEU QUI COUVE
  • L'hypothèse d'un soulèvement, selon la presse iranienne
  • Les Unités de Résistance
  • Le dossier nucléaire

CONCLUSIONS

Le divorce entre le pouvoir et le pays réel, le retrait de 3 candidats

Un président rattrapé par son passé ?

Les radicaux, dos au mur, la responsabilité des forces de sécurité

Le peuple iranien aura le dernier mot

1)      L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

1.1 Bilan d'Hassan Rohani

Dans le cadre de la loi électorale iranienne, le président ne peut effectuer que deux mandats de 4 années. Élu pour la première fois en 2013, le président sortant ne peut donc pas se représenter. L'heure du bilan est donc possible.

Son premier mandat aura été marqué par le début des négociations sur le dossier nucléaire. Hassan Rohani annonce en juin 2013 qu'il est disposé à débuter des négociations sur le programme nucléaire de son pays. La réalité est toutefois fort différente.

Les Etats-Unis et Israël, informés de l'existence d'installations nucléaires secrètes, par les réseaux du Conseil National de la Résistance Iranienne (CNRI) en 2002-2003, ont développé des programmes visant à forcer le pouvoir iranien à la négociation.

Le premier appelé « beacon » de 2006 à 2008, lancé avec l'approbation du président Bush, et continué sous la présidence Obama a consisté à reconstituer le réseau électrique de la centrale nucléaire de Natanz. Il avait pour objectif de pouvoir atteindre les réseaux informatiques de cette centrale.

Le second « Olympic Games » de 2008 à 2010 a consisté à l'envoi d'un virus informatique vers les centrifugeuses. Découvert en 2010, les services spéciaux probablement de ces 2 mêmes pays, ont alors décidé de passer à une phase d'élimination physique de hauts responsables du programme nucléaire iranien. 4 d'entre eux furent victimes de ces actes entre 2010 et 2012.

Il a donc fallu avoir recours à ces moyens extrêmes pour amener le pouvoir iranien à la table de négociation. Sans les informations recueillies, et en l'absence de ces pressions extrêmes, qui ont amené le gouvernement de Hassan Rohani à accepter de négocier, l'Iran aurait poursuivi ses recherches nucléaires secrètes.

La signature de l'accord à Vienne le 14 juillet 2015 entre l'Iran et les 5 grandes puissances nucléaires, plus l'Allemagneu (d'où son nom de 5+1) a laissé entrevoir pour l'Iran une période d'essor économique.

Après avoir été élu au premier en 2013, avec 50,1% des voix, Hassan Rohani a bénéficié, par cette signature, d'un « courant d'espoir » qui lui a permis d'être réélu avec 57% des voix en juin 2017 ....

Mais ces espoirs d'amélioration économique, et donc du niveau de vie, ont été fortement déçus, puisque onze mois après sa réélection, l'administrations américaine sortait du JCPOA (Joint Comprehensive Plan Of Action-Plan d'Action conjoint et Global). Cette décision allait avoir de substantielles conséquences économiques et sociales.

Les sanctions américaines nouvelles sur l'exportation de pétrole iranien allaient entrer en vigueur après une période progressive de mise en place de 6 mois. D'un point de vue économique, les exportations qui avaient atteint 2,5 Millions de barils par jour allaient se trouver réduites à moins de 500.000. Cela représentait une perte de revenus mensuels de l'ordre de 3 milliards de dollars par mois, pour l'industrie pétrolière et les recettes correspondantes pour le Trésor Iranien.

Un tel déséquilibre économique s'est immédiatement traduit par une fuite en avant sur la valeur du rial. La conséquente immédiate a été l'envolée des prix de tous les produits importés, et donc un retour de l'inflation à hauteur de 40% par an, alors qu'elle venait d'être contrôlé à mois de 10% par une politique très volontariste de la Banque Centrale qui n'avait pas hésité à monter son taux directeur à plus de 15%.

Cette situation, en 2018, plus la décision d'augmenter le prix de l'essence en 2019, a abouti à deux explosions populaires en janvier 2018 et décembre 2019. Cette dernière allait être violemment réprimée. L'intervention des unités spéciales de la police et du Corps des Gardiens de la Révolution s'est traduite, selon les sources de l'Agence Reuters, par plus de 1.500 morts, dont la plupart ont été atteints par des tirs mortels à la tête ou à la poitrine.

La dernière année du deuxième mandat d'Hassan Rohani allait être marquée par la continuation du triptyque, glissement de la monnaie, hausse des prix, inflation, auquel s'est ajouté le choc de la pandémie du Covid-19, cette dernière n'ayant pas été considérée sérieusement par le pouvoir politique. Les iraniens se souviendront de la déclaration du guide suprême, Khamenei allant jusqu'à considérer la pandémie comme « une chance donnée par Dieu au peuple iranien ».....

Ce deuxième mandat laisse donc l'Iran dans une situation intérieure très difficile, économiquement. A l'extérieur, c'est également à partir de 2018 que l'on a commencé à entendre les premiers cris « Iran dehors » au Liban et surtout en Irak, avec l'incendie du consulat iranien à Bassorah. A cela s'ajoute les tensions internationales autour des négociations sur le programme nucléaire. La succession ne s'annonce difficile.

1.2  Le Conseil des Gardiens

L'organisation de la République Islamique d'Iran comporte plusieurs institutions ou Conseil. Il existe « l'assemblée des Experts » principalement destiné à assurer la désignation du nouveau guide suprême après la disparition du guide en place. Ce conseil pourrait éventuellement le démettre.

A ses côtés se place le « Conseil du discernement » dont la responsabilité principale est l'arbitrage en cas de conflit au sein des institutions, comme par exemple, entre l'assemblée, le Majlis, et le gouvernement.

Enfin, le « Conseil des Gardiens de la constitution » a pour responsabilité la validation des candidatures. C'est donc de ce dernier qui a été amené à statuer sur l'acceptation ou le refus des candidats à l'élection présidentielle.

Ce Conseil est constitué de 12 membres, 6 religieux, nommés par le guide suprême, et 6 juristes, le plus souvent aussi des clercs, élus par le parlement, sur proposition du pouvoir judiciaire, lui aussi nommé par le guide. Chaque membre de ce Conseil est donc soit nommé, soit coopté indirectement par le guide suprême. Les choix sont donc décidés selon les seuls desiderata du guide suprême de la République Islamique.

Près de 600 candidats avaient déposé un dossier. Seuls 7 d'entre eux ont été retenus, 5 «radicaux » et 2 « réformateurs ». De façon inattendue, le président sortant a appelé, dans un discours télévisé, à plus de « concurrence ». Le cœur des élections a-t-il déclaré « c'est la concurrence. Si vous enlevez cela, vous avez un cadavre... ! »

Ebrahim Raïssi, qui doit les trente dernières années de son ascension politique à son mentor, Ali Khamenei, est le grandissime favori. En cas de nécessité de répression, forte, voire sanglante, le pouvoir sait pouvoir compter sur lui, son parcours, présenté dans le chapitre suivant en répond.

1.3)  Ebrahim RAÏSSI, le choix du radicalisme

Un parcours entièrement judiciaire

Ebrahim Raïsi est né en 1960. Il a commencé sa formation de clerc au séminaire de Qom à 15 ans et est entré très tôt dans la magistrature du régime, en tant que procureur adjoint à Karaj (ouest de Téhéran) à l'âge de 19 ans. Ebrahim Raïsi, est donc entré sur la scène politique après la révolution de 1979 en tant que religieux pro-Khomeiny, prêt à exécuter tous les ordres de son mentor.

Raïssi a été promu au poste de procureur de Téhéran en 1989 après qu'Ali Khamenei ai été désigné Guide suprême par L'assemblée des Experts. Il a occupé ce poste pendant cinq ans. Il a été nommé chef du bureau de l'inspecteur général national pendant une décennie de 1994 à 2004 et chef adjoint du pouvoir judiciaire pendant une décennie de 2004 à 2014. Khamenei l'a nommé ensuite procureur général de la Tribunal spécial pour le clergé en 2014, poste qu'il a occupé jusqu'en 2015.

À la suite de la mort d'un haut religieux, Abbas Vaez-Tabasi, Khamenei a nommé Raïssi en 2016 à la tête de la fondation Astan-e Qods Razavi, à Mashhad, dans le nord-est de l'Iran. Cette institution est l'un des plus importants conglomérats financier du régime, contrôlant des actifs très importants et diversifiés, terres, immobilier et capitaux, et recevant les dons de 20 millions de pèlerins annuels à Mashhad, une des villes les plus saintes du Chiisme.

Khamenei a nommé Raïssi chef de la magistrature en mars 2019. Depuis lors, il a supervisé l'exécution de 251 personnes en 2019 et de 267 en 2020. Amnesty International a rapporté que «la peine de mort a été de plus en plus utilisée comme arme de répression politique contre les manifestants dissidents, et les membres de groupes ethniques minoritaires », pendant le mandat de Raïssi. L'exécution du jeune sportif et lutteur iranien Navid Afkari est un cas emblématique qui a suscité de vives réactions internationales.

Responsable du massacre de prisonniers politiques en 1988

En 1988, en tant que procureur adjoint de Téhéran, il était l'une des quatre personnes désignées par Khomeini pour exécuter sa tristement célèbre fatwa, visant à massacrer des militants emprisonnés de l'Organisation des Moudjahidine du peuple d'Iran (OMPI / MEK). Au cours de ce massacre, 30 000 prisonniers politiques, principalement affiliés à cette organisation, ont été sommairement exécutés en quelques mois. Le successeur potentiel de Khomeini, Montazeri s'est désolidarisé ouvertement de cette macabre décision. Ses courriers, et une cassette audio diffusée par son fils en 2016 le prouvent. Hossein-Ali Montazeri s'y entretenait avec la «Commission de la mort» à Téhéran, y compris avec Raïssi, environ 20 jours après le début de l'application de cette fatwa.. Montazeri les avertit que ces exécutions seraient considérées comme les « plus grands crimes commis par la République islamique ».

Il a ensuite été révélé que Raïssi était le membre le plus actif et le plus impitoyable de cette commission. Très récemment, le 2 Juin 2020, Raïssi s'est vanté à la télévision d'État, le 2 juin 2020, " Ces prisonniers politiques, l'Imam (Khomeini) les connaissait très bien, et il nous a dit que nous ne devions pas faire preuve de pitié ». Son implication, très décisionnelle et opérationnelle dans ces massacres est donc documentée et réelle.

Le choix d'Ebrahim Raïssi, après un tel parcours, constitue clairement une volonté politique pleinement et clairement assumée de la part du guide suprême, et des hautes instances dirigeantes du régime.

2)      L'ÉCONOMIE

Comme signalé dans l'avant-propos, nous essayons dans ce dossier de recueillir des informations issues de l'intérieur. Pour comprendre le mieux possible la stratégie économique suivie par la République islamique, il apparaît intéressant de se pencher directement sur la pensée du guide suprême. Particulièrement pertinente est sa déclaration de fin 2019 pendant les émeutes liées à l'augmentation du prix de l'essence : « Entre les demandes du peuple, et les objectifs de la République islamique, je choisirai toujours, les objectifs ».

La République islamique n'a pas dans ses objectifs l'amélioration des conditions de vie, ou du niveau de ses concitoyens. Il n'a pas lieu de s'en étonner. Il suffit de se reporter aux stratégies essentielles mises en œuvre par la révolution de 1979 :

  • Moins de 3 mois après sa prise de pouvoir, l'Iman Khomeini a décrété la création du Corps des Gardiens de la révolution. L'armée n'est pas considérée comme suffisamment sûre. Est donc créé une force militaire supplémentaire d'environ 150.000 hommes, armée prétorienne du pouvoir. Elle disposera de ses propres forces terrestres, navales, aériennes. Considérable ponction sur le budget de l'État.
  • La deuxième orientation consiste à mettre en place un « arc chiite » depuis l'Afghanistan, jusqu'au Liban, en organisant et finançant les minorités ou les majorités chiites de ces pays, au bénéfice politique de Téhéran. La création du Hezbollah au Liban est entamée dès 1982, en pleine guerre Iran-Irak, montre l'importance stratégique accordée à cette stratégie. Des dizaines de milliards de dollars sont ainsi dépensés, chaque année, en Irak, en Syrie, et au Liban, sans oublier l'aide au mouvement Houthi au Yémen. Les dépenses comprennent, la rémunération des milices, l'armement, l'aide directe aux gouvernements, les coûts logistiques....
  • Enfin, La République islamique témoin de l'élimination de Saddam Hussein a développé un programme nucléaire et balistique, destiné à sanctuariser son territoire, et le régime lui-même. Centres de recherche, usines de production d'uranium enrichi, usines de fabrication de missiles représentent à nouveau un budget annuel de plusieurs milliards de dollars

Les dépenses totales annuelles de ces 3 orientations fondamentales de la République islamique se situent probablement aux environs de 30 milliards de dollars. Ces dépenses privent le pays des investissements industriels, d'infrastructure, de santé. Elles maintiennent au plus bas les salaires de la fonction publique.

A l'époque du Shah la production pétrolière a pratiquement atteint 6 millions de barils par jour, pour 40 millions d'habitants. Avant les sanctions américaines sur les exportations pétrolières, la production était descendue à 4 millions de baril par jour, pour plus de 80 millions d'habitants. Les sanctions ont abaissé la production autour de 2,5 millions de barils. Avant les sanctions et par rapport à la période du Shah, les revenus pétroliers par habitant ont été divisés par 3.

Ces chiffrent permettent de mesurer à la fois le mal que le régime a fait au pays en maintenant un sous-investissement dans son industrie pétrolière sur 40 ans.... et le choc d'une diminution des recettes pétrolières de l'ordre de 30 milliards de dollars par an ces 3 dernières années.

L'Iran fait donc face à un crise économique majeure en cumulant, dépenses extérieures non productives et recettes pétrolières fortement en baisse. Nous avons ici les raisons essentielles de la perte de valeur de la monnaie et, ses implacables corolaires, hausse du prix de tous les produits importés, et création d'une forte inflation.

La croissance


Courbe bleue, croissance annuelle du PIB. Déclin tendanciel sur les 40 ans de la République islamique. Source Banque Mondiale.

L'inflation


Courbe taux d'inflation annuelle, longue période. Tendance haussière sur les 40 ans de la République islamique. Source Banque Mondiale.

L'emploi


Taux de chômage à la hausse sur la longue période de la République islamique

Le taux d'intérêt de la Banque Centrale


Taux d'intérêt de la Banque Centrale. Le Taux bancaire central a doublé sur les 40 ans de la République Islamique. Le coût de l'investissement augmente, ET ralentit l'économie.

L'accord stratégique de 25 ans avec la Chine

La Chine est devenue un partenaire important de l'économie iranienne. Pas seulement grâce aux besoins pétroliers chinois (plus d'1 million de barils par jour) mais aussi pour contourner l'interdiction américaine d'accès au dollar. Mais cet accord dit stratégique ne comporte que quelques pages.... Le contenu est donc incertain.... Quelques manœuvres militaires maritimes conjointes avaient déjà eu lieu, avant l'accord.

Devant ses difficultés économiques, et en opposition avec le monde occidental, Etats-Unis et Europe, l'Iran avait grandement besoin de trouver un point d'appui. Nul doute que la Chine a mis à profit le fait d'être en position de force, non demandeur, mais au contraire, demandée....dans le cadre des « Nouvelles Routes de la Soie ».

Par ailleurs la durée annoncée ressemble à une incantation au temps long. La République islamique souhaite communiquer qu'elle a pleine assurance de son futur, malgré le grand nombre de difficultés internes auxquelles elle a et aura à faire face.

Des manifestations dans plusieurs villes d'Iran ont eu lieu, le 29 Mars, pour critiquer cet accord et même demander son annulation, en scandant devant le Parlement : « l'Iran n'est pas à vendre », « mort à ceux qui ont vendu la patrie ».

3)      LA SOCIETE IRANIENNE

3.1 La place de la femme

Les femmes et les jeunes filles continuent d'être traitées comme des citoyens de seconde classe en Iran, déclare un expert de l'ONU dans un rapport au Conseil des droits de l'homme, citant la violence domestique. Des milliers de mariages de très jeunes filles âgées de 10 à 14 ans ont lieu chaque année. Elles sont l'objet d'une discrimination toujours bien ancrée dans la loi et la pratique, a déclaré Javaid Rehman, le rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, dans le rapport qui a été présenté le 9 mars 2021,

La révolte contre le port du voile est apparue depuis février 2018, avec la création du « mercredi blanc » en signe de protestation.

Mais les agissements les plus radicaux du régime vis-à-vis des femmes s'expriment dans les condamnations à la peine capitale. Depuis le début de la présidence Rohani, 118 femmes ont été condamnées à la peine de mort, soit plus d'une pendaison par mois, au cours des 96 mois de sa présidence....

Il faut également prendre en compte les lois discriminantes.

Elle s'appelait Sahar Khodayari. Les femmes d'Iran, ne pourront oublier son nom. Les femmes du monde entier doivent également se souvenir.

Déguisée en homme parce que l'accès des stades n'est pas autorisé aux femmes par le régime iranien religieux fondamentaliste, Sahar s'est faite arrêtée par la police le 12 mars 2019. Son crime ? Être une femme, être une femme supportrice du Club de football de l'Esteghlal de Téhéran. 3 jours de prison... ! 3 jours de prison, avant d'être libérée... sous caution... ! Elle s'est présentée ensuite au tribunal de Téhéran pour être jugée. Elle aurait compris qu'elle encourait entre six mois et deux ans de prison... !

Elle est sortie du tribunal, et s'est immolée par le feu le 3 septembre 2019. Deux jours plus tard, elle décédait. Geste de désespoir, geste de refus, geste d'appel.

Désespoir de se voir séparer de sa famille. Geste de refus de la folie des hommes de ce régime. Geste d'appel pour que se lèvent et se mobilisent toutes celles et tous ceux qui, en Iran, et dans le monde entier, sont révulsés par de telles lois et leur application. La FIFA n'a pu rester insensible et inactive devant une telle situation.

3.2  Les 3 alternatives de la jeunesse

45% de la population iranienne est âgée de moins de 30 ans. Enorme défi économique et social pour un pays et un régime en proie à de nombreuses autres difficultés. Cette situation place la jeunesse iranienne devant 3 alternatives, se soumettre, s'exiler, ou se révolter.

Se soumettre, c'est-à dire accepter de se confronter à une situation où il est particulièrement difficile de trouver un emploi. Le taux de chômage général, dépasse les 11% selon les statistiques de la Banque Mondiale, mais ce pourcentage se situe dans la zone des 25% pour la tranche d'âge des 20-30 ans. Comme le commentait, déjà, Antoine Sfeir en 2017, un régime qui perd sa jeunesse a du souci à se faire.

En conséquence, de plus en plus nombreux sont ceux qui se dirigent vers l'exil, tant par choix économique que pour par refus d'accepter un régime où les privations de liberté sont nombreuses. On a identifié de plus en plus de jeunes iraniens dans les candidats à la traversé de la Manche avant la période Covid. Pour les garçons il est impératif de faire son service militaire de façon à pouvoir obtenir un passeport. C'est impossible autrement.

« J'ai quitté mon pays à cause des problèmes de censure. La vie est très compliquée en Iran pour les musiciens. Ici en France, je peux faire ce que je veux. C'est le centre du monde pour les artistes.... » Pooya Alinia. Compositeur. Réfugié en France, Val d'Oise. 32 ans.

Il y a bien sûr l'exemplaire histoire de cette jeune femme mannequin à Téhéran et qui a décidé, en 2017, de fuir son pays, et son photographe qui avait tenté d'abuser d'elle. Negzzia a obtenu le statut de réfugiée, en 2019, et poursuit sa carrière en France.

L'exil touche même des secteurs spécifiques d'activité, tel celui des infirmières. «Le taux d'émigration des infirmières a augmenté par rapport aux années précédentes et 100 infirmières émigrent chaque mois d'Iran en moyenne. D'autres pays accueillent vivement les infirmières iraniennes », a déclaré le jeudi 8 avril Mohammad Mirza-Beigi, directeur général de l'Organisation des soins infirmiers iraniens.

Enfin, il y a la voie de la révolte. L'exécution en septembre 2019 de Navid Afkari, champion national de lutte, à l'âge de 27 ans. Sa mort a provoqué une vague de colère et de dégout en Iran, naturellement dans la jeunesse. Dans les jours suivants on a assisté à des distributions de tracts, des collages d'affiches et à l'inscription de slogans dans les lieux publics. Ces activités ont eu lieu notamment à Téhéran et à Chiraz, ville de Navid Afkari, ainsi qu'en province, notamment Ispahan, Karadj, Chahriar, Racht, Machad, Marvdacht, Lahidjan, Ahwaz, Kermanchah, Abadan et Mahchahr.

Parmi les slogans on pouvait lire : « Révolte et soulèvement, la réponse aux exécutions. A bas Khamenei ! », « Levez-vous pour venger Navid et tous les Navid ! ».

C'est cette jeunesse révoltée que l'on a vu lors des manifestations de décembre 2019, qui a payé un lourd tribut lors de la répression, et qui a eu plus que sa part dans les 1.500 morts annoncés par l'agence Reuters.

3.3 Le monde ouvrier

Depuis de nombreuses années, des manifestations ouvrières se déroulent dans tout le pays. Elles concernent tous les aspects de la vie de cette partie de la population, niveau de salaire, retard de paiements, conditions de travail.

Les manifestations ont été particulièrement visibles et relayées dans le domaine des transports routiers, et dans de nombreux secteurs de l'industrie, métallurgique, agro-alimentaire, pétrochimique.

La grève des transports routiers de 2018 a été particulièrement longue, plus de 3 mois, et dure. Elle a agité des centres tels que ceux de Broujen, Varzaneh, Naïne, Islamad Gharb, et a reçu les encouragements formels du syndicat international des travailleurs du transport routier.

En août 2020, les ouvriers et employés des raffineries de pétrole et de gaz, des usines pétrochimiques et des centrales électriques de 23 villes de 12 provinces, c'est-à-dire dans 54 sites et centres ont poursuivi leur grève pendant plus de 3 semaines, pour obtenir le versement de leur retard de salaires.

Les travailleurs du complexe de canne à sucre de Haft Tappeh ont poursuivi leur grève et leurs protestations pendant plus de 2 mois en 2020. Parallèlement, les travailleurs d'Hepco à Arak, autrefois l'un des plus grands fabricants de matériel de construction du Moyen-Orient, ont poursuivi leur protestation dans les locaux de l'entreprise pendant plus de 3 semaines. Ils ont exigé le paiement de leurs salaires impayés depuis plusieurs mois.

Autres exemples, cette année, en janvier, Les éleveurs de Golpayegan, dans la province d'Ispahan, se sont rassemblés pour protester contre la mauvaise distribution de bétail. «À ce jour, [les autorités n'ont pas] résolu nos problèmes et fait de vaines promesses aux éleveurs. Ils n'ont pris aucune mesure. Nous devons venir ici tous les jours, mais il n'y a personne pour nous répondre », a déclaré l'un des manifestants.

3.4 Les retraités

En 2021 les ravages de l'inflation ont mis dans la rue une nouvelle catégorie de protestataires, les retraités. Leur faible retraite est en effet littéralement laminée par la hausse des prix

En janvier, retraités et pensionnaires de la sécurité sociale se sont rassemblés dans 17 provinces et 22 villes. Les manifestants ont scandé « C'est seulement dans la rue que nous obtiendrons nos droits »,« A bas ce gouvernement trompeur », « Notre table est vide, ça suffit. Les slogans des manifestants sont de bons indicateurs de la cause de leurs frustrations et des projections de leur colère.

Outre Téhéran, un grand nombre de retraités se sont rassemblés dans les villes d'Ispahan, Ahwaz, Machhad, Chiraz, Tabriz, Racht, Sari, Ilam, Qazvine, Karaj, Kermanchah, Ardebil, Nichapour, Khorramabad, Hamedan, Arak, Suze, Sanandaj, Boroujerd, Kerman et Bojnourd.

Le dimanche 4 avril 2021, lors du premier rassemblement national de protestation de la nouvelle année iranienne, retraités et pensionnés en colère se sont à nouveau rassemblés à Téhéran et dans une vingtaine d'autres villes pour protester contre les conditions de vie, les pensions de misère et la flambée des prix.

En plus de Téhéran, les retraités ont manifesté devant la Direction générale de la sécurité sociale du régime à Arak, Ardebil, Ahwaz, Ilam Ispahan, Khorramabad, Racht, Sari, Sanandaj, Chiraz, Karaj, Kerman, Kermanchah, Gorgan, Qazvine, Machad, Yazd, Nichapour, Suze...

Parmi les slogans, on pouvait entendre : « nous ne voterons plus tant nous avons entendu de mensonges ». L'idée de boycott de l'élection présidentielle semble également séduire cette partie de la population.

3.5  L'épidémie de Covid-19

Comme dans tous les pays à régime autoritaire, l'Iran pose un problème de véracité des chiffres officiels.

Le pouvoir politique a longtemps nié le sérieux de la situation, et le guide suprême a même qualifié l'épidémie de « don de Dieu ». Une telle vision, en dehors de la réalité, est donc porteuse de toutes les suspicions possibles sur le nombre officiel de morts, 82.300.

Une autre source est celle de Organisation des Moudjahidine du peuple d'Iran (OMPI/MEK). L'information fournie repose sur un recensement basé sur un réseau d'hôpitaux et de cliniques répartis dans 547 villes. Cette organisation a annoncé le 15 juin 2021 que le nombre de décès dus au coronavirus en Iran était supérieur à 312.000.

Le bilan des morts est en plus communiqué par province, et donne les chiffres suivants pour les principales d'entre elles : Téhéran 73.166, Ispahan 20.980, Khouzistan 19.636, Khorassan-Razavi 18.980, Azerbaïdjan oriental 12.793, Azerbaïdjan occidental 11.738, Fars 10.467

La négation de la pandémie, le refus d'utiliser des vaccins occidentaux, un système sanitaire sous-financé, ont donc créé une véritable crise sanitaire et un choc social supplémentaire, dans l'ensemble du pays. Les iraniens ne pourront que rendre responsable de cette situation un pouvoir par ailleurs, omniprésent. L'heure de demander des comptes viendra donc tôt ou tard.

4)      L'INCONNU POST-ÉLECTORAL : UNE SOCIETE ECLATEE, LE FEU QUI COUVE

4.1 L'hypothèse d'un soulèvement selon la presse iranienne

Comme il a été précisé dans l'avant-propos, les observations recherchées dans ce travail l'ont été à partir de sources intérieures. La presse iranienne est donc pertinente à observer surtout dans un pays à régime autoritaire. Les critiques ou les analyses qui paraissent sont soit très prudentes, ou bien clairvoyantes quand la réalité devient par trop évidente.

Les extraits suivants, recueillis ces dernières semaines sont particulièrement révélateurs.

Les médias officiels soulignent qu'après les 40 années de répression du régime, tous les Iraniens sont désormais contre la théocratie au pouvoir. « Pour faire court, nous sommes face à une société avec beaucoup de crises et de problèmes non résolus. Les institutions au pouvoir, en raison de leur corruption endémique et des inefficacités qui en résultent, ainsi que de la réduction des ressources nécessaires pour soulager la société, ont créé cette situation« , a écrit le journal officiel Jahan-e Sanat le 16 avril.

Jahan-e Sanat souligne ensuite que « personne en Iran n'est satisfait » du régime, mettant l'accent sur l'aversion de la population envers la théocratie religieuse. En d'autres termes, la société iranienne est au bord de l'explosion. « Notre pays est rempli d'insatisfactions. Ils doivent être résolus, sinon ils se condenseront, et il y aura des conséquences pour nous« , a déclaré Hamid Reza Jalaie-Pour, un commandant supérieur des Gardiens de la révolution (pasdaran), le 16 avril.

Il a par ailleurs poursuivi en soulignant que le soulèvement à venir serait beaucoup plus important que ceux de 2018 et 2019. « Nous n'avons pas de dialogue entre le gouvernement et la société civile. Les conséquences des révolutions sont coûteuses. Cela a créé des difficultés pour le [régime] en termes de légitimité, de participation et d'efficacité« , a-t-il déclaré.

Faisant mention aux querelles de factions qui agitent le régime dans un contexte de crise nationale et internationale, M. Jalaie-Pour a averti que « si la bipolarité des relations sociales ne prend pas fin, nous nous retrouverons dans une situation révolutionnaire, ce qui n'est pas bon [pour nous] ».

Soulèvement au Baloutchistan Février 2021

Les autorités économiques, politiques et sécuritaires de Téhéran sont donc pleinement conscientes de la profondeur de la crise, et de ses possibles conséquences révolutionnaires.

4.2 Les Unités de Résistance

Deux éléments nouveaux, et extrêmement importants, ont vu le jour depuis deux ans.

Le premier concerne l'apparition d'Unités de Résistance, et le deuxième réside dans les formes d'action de ces Unités. Ce dispositif semble être l'œuvre de « l'Organisation des Combattants du Peuple Iranien » (OMPI), et s'appuie sur son réseau historique, mais aussi sur de très nombreux nouveaux recrutements, qui inquiètent le régime, et qui fait écho officiellement de cette inquiétude.

Ces Unités de Résistance semblent maintenant en place dans plus d'une centaine de villes iraniennes, et ont entrepris à ce jour, malgré les terribles risques encourus, 3 types d'actions, relayées par des transmissions de photos ou vidéos :

  • Incendie de panneaux publicitaires à l'effigie de Khamenei ou de Soleimani;
  • Opérations contre les bâtiments des forces de répression, comme le 19 et le 20 janvier à Téhéran et Machhad ;
  • Incendie de bâtiments de Fondations religieuses, comme le 29 janvier, contre le bâtiment de « l'exécution de l'ordre de l'imam Khomeini»», à Téhéran.

Emblématiques et symboliques sont ces actions contre les trois piliers institutionnels du régime, les dirigeants, les forces de sécurité, et les fondations religieuses.

Il ne se passe donc pas une nuit en Iran, sans que ces Unités de Résistance soient à l'œuvre.

La liste des lieux de ces opérations serait trop longue à énumérer. Ces actions se déroulent aussi bien dans les quartiers de Téhéran, que dans les grandes villes régionales, Machhad, Tabriz, Ispahan, ou des villes de moindre importance.

Ces mouvements de rébellion se déroulent dans toutes les provinces du pays. A l'évidence le régime évite, soigneusement, d'en faire état, mais ces actes traduisent le niveau d'exaspération de la population.

En cette période électorale, ces Unités de Résistance sont naturellement actives dans l'affichage et l'inscription de slogans soutenant le boycott du prochain scrutin.

4.2  Le dossier nucléaire

On a pu estimer au début de cette année que les possibles reprises de négociations entre les Etats-Unis et l'Iran pouvaient éventuellement aboutir à un pré-accord avant la date des élections présidentielles.

Une telle hypothèse est maintenant caduque.

La question qui maintenant se pose est de savoir si le nouveau président conduira une stratégie de négociation différente.

La réponse à cette question importante se trouve dans la structure même du régime. Le dossier nucléaire relève directement du guide suprême. En conséquence il est peu probable que nous voyions des inflexions dans les positions iraniennes. Les visages pourront changer mais les points de vue devraient rester inchangés.

Peut-être le président Raïssi voudra-t-il marquer le début de sa présidence par des actions ou des mots qui soient en ligne avec la ligne dure et radicale qu'on lui prête.

Si de telles « nouveautés » devaient intervenir, le front entre les Etats-Unis et les puissances européennes impliquées, Allemagne, France, Grande-Bretagne, pourraient devenir de plus en plus uni, et donc en retour poser problème à l'Iran.

Dans ce dossier il est nécessaire de mentionner Israël, tant ses positions de, puissance nucléaire, d'acteur régional, et d'acteur de l'ombre, sont omniprésentes. Il faut impérativement avoir présent à l'esprit les actions auxquelles Israël a contribué afin de mener Téhéran à la table des négociations en 2013. Un certain nombre d'opérations très récentes, ou intervenues depuis fin 2020 conduisent à ce parallèle.

CONCLUSIONS

  • Le divorce entre le pouvoir et le pays réel, le retrait de plusieurs candidats

Les 7 candidats retenus par le Conseil des Gardiens de la Constitution ne reflètent en aucun cas la diversité des opinions à l'intérieur du régime, et ignore totalement les possibles candidats en opposition au système du guide suprême et de la République islamique.

Les décisions de retrait, de dernière minute, montrent l'âpreté de la lutte tactique à l'intérieur du système. Le retrait du « réformateur » Mohsen Mehralizadeh, est destiné à conforter le score du seul candidat restant, représentant ce courant, Abdolnaser Hammati, ancien gouverneur de la banque Centrale... dont la nomination relève du pouvoir....

Les retraits dans le camp conservateur traduisent potentiellement 2 considérations différentes. La première, celle d'accords trouvés entre candidats sortants et candidats restants sur un accord de participation des premiers au gouvernement à venir. L'autre vision est de vouloir éviter un éparpillement des voix surtout dans une situation de faible participation. Si la participation réelle se situait dans la fourchette des 30-35% (elle était de 43% lors des législatives de 2020 ...) le nouveau président n'obtiendrait qu'environ 25% des voix du corps électoral.

On voit donc très clairement se profiler la rupture politique entre le pouvoir élu et le pays réel, ce que le pouvoir en place redoute, car annonciateur de vives tensions à l'intérieur du pays.

  • Un président rattrapé par son passé ?

Le choix de politique intérieur de consolider au sommet de l'État une politique radicale, avec Ebrahim Raïssi, homme sûr et fidèle, fait oublier le 'passé' de ce 'futur' président. C'est là une prise de risque qui n'a pas forcément été bien mesurée, et qui en tout cas veut ignorer à l'avance les réactions sur la scène internationale.

Il y a fort à parier que les associations et organismes militants pour les droits de l'homme vont ouvrir le dossier du passé de Raïssi, et donc attirer l'attention des gouvernements occidentaux.

Les Etats-Unis semblent déjà s'inquiéter de cette situation, et au plus haut niveau.

Une résolution à la Chambre des représentants appelle à une politique plus ferme vis-à-vis du régime iranien. La résolution « H. Res. 118 » a été présenté lors d'une conférence de presse le 27 Avril 2021, avec 225 signataires démocrates et républicains, ce qui constitue la majorités des députés américains.

La résolution « H. Res. 118 » attire l'attention sur deux résolutions précédentes qui évoquaient à peu près le même objectif. L'une d'elles la « H. Res. 4744 » du 115e Congrès, a exhorté le gouvernement américain à « condamner formellement les violations des droits humains iraniens contre les dissidents, y compris le massacre de 1988 et la répression des manifestations politiques en 1999, 2009 et 2017». La nouvelle résolution réitère qu'une action est nécessaire pour freiner la répression du régime contre la dissidence à l'instar de celle survenue lors du soulèvement national de novembre 2019.

  • Les radicaux, dos au mur, la responsabilité des forces de sécurité

La totale uniformité politique entre le guide suprême et le futur président crée un monolithisme radical du pouvoir iranien pour les temps à venir, qui se met ainsi dans une position de combat. Il n'y a pas ou plus d'alternative à l'intérieur du régime, les radicaux sont donc dos au mur en cas de mouvements contestataires, voire de manifestations importantes et nombreuses.

Les forces de sécurité, la police, les Bassidj, et même le Corps des Gardiens de la Révolution seront dans cette situation le dernier rempart du pouvoir.

Ces forces seront-elles, elles aussi, monolithiques, et totalement obéissantes ? Il faut savoir que dans les grandes manifestations de 2018, il se murmurait dans les forces de police, une petite phrase à l'égard des manifestants « nous sommes avec vous ». Situation certes, très minoritaire, mais l'aggravation de la crise économique ces 3 dernières années, crée une situation nouvelle, qui expose également les forces de sécurité à des difficultés de revenus et de niveau de vie.....les rapprochant des manifestants potentiels.

Une autre inconnue se profile donc pour le régime, la solidité de son rempart sécuritaire et de ses forces de répression. Cette dernière ne saurait être une solution pour le long terme.

  • LE PEUPLE iranien aura le dernier mot

Seuls des changements stratégiques profonds, et donc institutionnels, accompagnant de nouvelles orientations économiques donnant priorité à l'amélioration de la vie des citoyens iraniens, pourront changer la situation en Iran.

Le retour des exportations pétrolières pourrait naturellement améliorer à court terme la situation économique et diminuer la pression sur le niveau de vie des citoyens iraniens.

Mais c'est le « désinvestissement » dans la politique d'interventions extérieures de « l'arc chiite » ainsi que la réduction drastique des dépenses militaires et nucléaires, qui redonneraient à l'économie iranienne les capacités d'investissement dont elle a si intensément besoin.

Un tel changement est hors de portée des institutions actuelles. la République islamique a montré sur le long terme, en plus de 40 ans, qu'elle n'avait pas amélioré la vie de ses concitoyens. Elle n'en n'est pas capable, parce que ses objectifs idéologico-politiques sont ailleurs. La corruption accrue, par les fondations religieuses, et les structures des Gardiens de la Révolution ont encore un peu plus appauvri la population.

Il faudra donc, d'une façon ou d'une autre, un changement de régime, un jour ou l'autre. Il n'est pas inutile de rappeler ici le slogan des manifestants de 2018 : « L'ennemi est ici, mais on nous dit que c'est l'Amérique ».

La majorité du peuple iranien en refusant de participer à cette élection montre sa désapprobation vis-à-vis du régime. Pour changer le cours de l'histoire iranienne il faudra aller plus loin.

Le peuple iranien aura le dernier mot.

« Si la nation se soulève, nous serons tous jetés à la mer ! »

Ayatollah Javadi Amoli. 27 avril 2018, quotidien iranien Asr-e-Iran

Ancien prédicateur de la prière du vendredi à Qom.