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Est-ce un eldorado l'Iran?

Gérard Vespierre, associé fondateur de Strategic Conseils, Chercheur associé à la Fondation pour l'Etude du Moyen-Orient, participait le 9 février 2016 à un colloque organisé par la FEMO à la Paris School of Business, sur le thème « Iran : quelles perspectives ? ». Voici le texte de son intervention: (vidéo)

Effectivement le président Rohani est venu, nous avons signé des contrats donc nous sommes dans un environnement économique. Est-ce un eldorado l'Iran? Est-ce un eldorado pour les iraniens? Est-ce que c'est un grand pays qui va se développer rapidement ou est-ce que c'est un eldorado pour les fournisseurs de l'Iran ?

L'Iran c'est 80 millions d'habitants 80 millions d'Égyptiens 80 millions de turcs, nous sommes dans une région extrêmement sensible sur le point de vue géopolitique et de la population, et autre caractéristique de la population iranienne sa courbe d'âge : 54% des iraniens et des iraniennes ont moins de trente ans. Cela apporte un défi exceptionnel sur le point de vue économique et que l'on voit sur cette première courbe qui est effectivement le taux de chômage, qui d'après les statistiques tourne autour de 15%, On est dans un pays en situation de difficulté. Et qu'est ce qui se passe quand on a un taux de chômage comme ça? Il faut que l'État puisse faire des investissements qui conduisent effectivement à une résorption de ce taux de chômage et puisse créer massivement et pendant longtemps de l'emploi. Donc la question qu'il faut se poser est-ce que le dispositif économique international mis en place par l'Iran et les pays européens, et avec les autres, correspond à cet absolu impératif ? Créer de l'investissement sur place et créer de l'emploi.

Autre élément sur la situation économique, le taux de croissance. Le taux de croissance iranien il n'est pas à la cave mais il est au rez-de-chaussée, il est à 0% .Donc 0% de taux de croissance et 15% de chômage, on est dans une situation de difficulté. Dernier élément sur le plan économique le taux d'inflation qui a été réduit drastiquement d'une quinzaine de pourcent jusqu'à 10% mais avec des taux d'intérêts très élevés. Des taux d'intérêts élevés effectivement amènent à une réduction du taux d'inflation mais au détriment de la croissance, ce que l'on a vu précédemment 0% de croissance mais un retour à des zones de taux d'inflation qui sont acceptables dans la région. Enfin le dernier point concerne la situation pétrolière. Quelques instants sur ce tableau qui permet de voir effectivement que les deux véritables monstres du marché mondial sont l'Arabie saoudite et la Russie qui continuent à être des exportateurs massifs, donc la situation va se régler entre eux. Mais on voit que l'Iran qui est un producteur à hauteur du tiers de ce que produisent les leaders ne met sur le marché que 1,5 millions de barils par jour. Donc il ne faut pas s'attendre à des miracles de l'expansion économique iranienne à partir de cette plateforme de 1,5 qui peut passer à 1,7 1,8 ou 2 millions de barils par jour, d'autant plus difficilement qu'actuellement il y'a surabondance de pétrole donc on peut produire plus, mais pour quoi faire, puisque les clients ne sont pas là?. Donc mettre en stock, et à ce moment-là on ne vend pas. Voilà les points essentiels, je vais faire une petite parenthèse grâce aux 30 secondes du président de séance, c'est ce chiffre-là qui est en dehors de notre réunion aujourd'hui mais il faut que vous sachiez, mes amis, que les États-Unis ont été, sont, et resteront des importateurs nets de pétrole quels que soient les miracles du pétrole de schiste, les Etats-Unis continuent à importer massivement du pétrole il vont en acheter moins, mais ils restent importateurs nets. Donc voilà ce que je voulais vous dire en préambule sur la situation économique. Alors qu'est ce qui s'est passé lors de la venue du président Rohani en France ? Signature de contrat dans le domaine aéronautique donc est ce que l'achat de 100 avions va produire du travail ? Parce-que c'est l'objectif numéro un, du travail et des emplois en Iran. Pas vraiment. Quelques centaines d'équipages, de la maintenance au sol etc.. Le premier grand contrat n'est pas vraiment porteur de ce dont l'Iran a besoin. Les accords avec PSA ça c'est un peu mieux parce qu'effectivement cela va créer des usines cela va augmenter la puissance des chaînes de fabrication donc là on commence à être un petit peu dans l'objectif primordial que le pouvoir iranien doit s'assigner. Troisièmement, la construction ou l'aménagement de grands aéroports à Machhad ou à Téhéran va créer évidemment un petit peu d'emplois mais ce sont des structures très spécifiques très localisées donc il n'y aura pas d'impact sur le pays tout entier. On peut donc commencer à se poser des questions sur les annonces, la communication, sur l'avantage que l'on a effectivement à signer de grands contrats, de grands contrats dans les structures très centralisées où Transparency International nous dit que l'Iran est au 130ème rang des états les plus corrompus dans le monde. Bien évidemment un contrat de 10 milliards.....eh bien il y a peut-être pas mal d'argent qui part dans des structures intermédiaires. Donc ça c'est l'intérêt des grands contrats mais le peuple iranien n'y trouve pas son compte, puisque ce qui va se passer c'est que Airbus va produire à Toulouse, produire à Hambourg, produire en Angleterre, mais ce ne sont pas les iraniens qui vont construire les avions. Donc voyez-vous il faut voir cela avec beaucoup de précautions en d'autres termes le dispositif iranien de communication est un dispositif effectivement de communication il n'est pas un dispositif de réalisation industriel et de plein emploi. C'est vraiment ce qu'il faut garder à l'esprit. Et quand on voit, avant de venir à Paris, le président iranien en visite en Italie à côté du Pape, c'est de la communication bien qu'il prétende effectivement promouvoir la paix, alors que selon Amnesty International il y a à peu près 700 exécutions en Iran par an, et puis à côté il y'a un homme qui est tout en blanc qui lui effectivement représente la paix. Donc voilà on fait de la communication on ne fait pas des changements radicaux dans la situation iranienne. Donc quelles sont les perspectives? Les perspectives sont comme on vient de le voir pas très positives, les Etats-Unis n'ont toujours pas levé l'interdiction de circulation en dollars entre eux-mêmes et l'Iran ou par des tiers, donc vous n'avez pas le droit de commercer en dollars soit à partir des États-Unis soit d'un pays tiers avec l'Iran donc c'est un obstacle. Bien sûr on peut le contourner on peut utiliser l'Euro ou d'autres monnaies, mais là il y'a là un point que les américains n'ont pas encore levé. Après le nucléaire que se passe-t-il? Eh bien il y'a les essais des missiles. Donc récemment, il y a deux semaines, les iraniens viennent de tester un nouveau missile, et qu'est-ce qu'on fait les États-Unis ? Tout de suite ils ont pris les décisions d'interdire de circulation quelques personnes hautement placées dans le projet de recherche et, de mettre sur liste noire un certain nombre d'entreprises qui participent à ce programme qui est lié au nucléaire militaire. Il faut une bombe et il faut un vecteur pour la transporter. Il faut mettre dans cette situation beaucoup de prudence. On sait très bien que dans les prochaines semaines il va y avoir aussi des élections à la fin du mois en Iran. Donc tout cela décrit un dispositif qui ne correspond pas vraiment au dispositif économique et industriel dont l'Iran a besoin, et deuxièmement le pays est toujours soumis aux risques inhérents à la situation politique. Eldorado je ne crois pas, pour beaucoup de fournisseurs effectivement, mais pas pour les iraniens eux-mêmes, donc prudence, beaucoup de prudence.