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Reza Pahlavi : une alternative ou un obstacle au changement ?

Par Dr Khalil Khani

Cette analyse a paru pour la première fois sur le site de Free Iran Scholars Network, un think tank composé d'universitaires iraniens. Nous le partageons en raison de sa pertinence.

Par Dr Khalil Khani, professeur émérite de ressources naturelles, Université de Téhéran

La situation en Iran se trouve à un tournant critique. Le mécontentement et la résistance populaires s'intensifient. Le régime est plus faible que jamais et sa survie est menacée. Dans ce contexte de tourmente, Reza Pahlavi, fils du Shah déchu, se présente comme le chef autoproclamé de l'opposition. Les 37 ans de règne de son père ont été marqués par une main de fer, une corruption endémique, des tortures généralisées et des exécutions.

Ligne de communication directe avec les Gardiens de la révolution

Le 29 juin 2025, Pahlavi a annoncé le lancement d'un canal de communication sécurisé pour les membres du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) et du ministère du Renseignement en Iran souhaitant rejoindre son équipe. Le formulaire d'inscription demande aux répondants de s'identifier et de sélectionner l'institution pour laquelle ils travaillent :

Traduction :

Dans quelle entité ou organisation travaillez-vous ?

Armée

Ministère du Renseignement et de la Sécurité

Police (Forces de sécurité de l'État)

Corps des Gardiens de la révolution islamique

Bassidj

Autres institutions gouvernementales

Action non gouvernementale

La récente initiative de Reza Pahlavi visant à inciter des membres du ministère iranien du Renseignement et des Gardiens de la révolution à rejoindre son « one-man-show » a été accueillie avec beaucoup de critiques et de moqueries. Si de nombreux Iraniens, en Iran et dans la diaspora, ont qualifié cette manœuvre de coup de pub, la considérant comme une tentative désespérée et pathétique de gagner en notoriété face au manque de soutien en Iran, cette initiative a néanmoins suscité une vive inquiétude parmi les Iraniens ordinaires, tant au pays qu'à l'étranger. Cette appréhension est particulièrement vive compte tenu du rôle avéré de ces organisations dans la torture et le meurtre de dissidents et de manifestants.

Des inquiétudes grandissent quant à la possibilité que ce projet soit indirectement lié au régime iranien, ce qui pourrait servir à infiltrer la diaspora iranienne et à promouvoir ses activités à l'étranger. Reza Pahlavi a publiquement déclaré son soutien à la collaboration et au dialogue avec des individus qui, selon lui, ont rompu leurs liens avec le CGRI, une organisation qualifiée de terroriste par les États-Unis. Cette position n'a fait qu'amplifier le malaise, poussant de nombreuses personnes à s'interroger sur les véritables intentions et les répercussions potentielles d'une telle initiative.

Dans une interview accordée en 2018, Pahlavi a déclaré à Iran International TV : « J'ai des contacts bilatéraux avec l'armée, le CGRI et le Bassidj, et nous communiquons.»

En 2016, s'exprimant sur la chaîne de télévision persane BBC, Pahlavi a affirmé que le CGRI « pourrait jouer un rôle » même après la chute du régime actuel. En 2017, il a déclaré sur la chaîne de télévision VOA en farsi : « Les Gardiens de la révolution sont-ils tous des terroristes ? Non… Je leur dis : vous avez combattu l'armée irakienne pour l'Iran et vous avez versé votre sang pour l'Iran. Vous faites partie du peuple iranien. »

Comportement autoritaire

Reza Pahlavi se qualifie lui-même de « leader » et affirme avoir accepté de diriger la lutte du peuple iranien contre le régime, ainsi que d'assurer une période de transition, sans préciser qui l'a investi de ce poste. Certains partisans vont plus loin, proclamant : « Le roi Reza Pahlavi est le Dieu de tous les Iraniens.» L'attitude de ce leader autoproclamé témoigne d'un état d'esprit autoritaire. Il a exprimé à plusieurs reprises sa nostalgie pour la dictature de son père.

Le régime du Shah, marqué par la censure et la torture par l'intermédiaire de la SAVAK, a interdit tous les partis politiques, à l'exception du sien, en 1975, ce qui a conduit à des milliers de prisonniers politiques. Le peuple iranien, qui a renversé la monarchie en 1979, a clairement indiqué qu'il ne souhaitait pas revenir à un système où le pouvoir est concentré entre les mains d'un seul individu ou d'une seule famille. Lors des manifestations de 2022, les Iraniens ont explicitement rejeté le régime actuel et le rétablissement de la monarchie. Des slogans tels que « À bas l'oppresseur, qu'il s'agisse du Shah ou du Guide suprême » ont résonné dans tout le pays, reflétant une large demande de démocratie et un rejet de toute forme d'autocratie.[1]

Liens avec la SAVAK et atrocités passées

Les liens de Pahlavi avec d'anciens responsables de la SAVAK, la police secrète du Shah, tristement célèbre pour ses violations des droits humains, suscitent de vives inquiétudes. La SAVAK s'est rendue responsable de tortures, d'exécutions extrajudiciaires et de répression de la dissidence, et aurait fait des milliers de prisonniers politiques. Lors d'un rassemblement à Munich en 2023 organisé par les partisans de Pahlavi, des affiches de Parviz Sabeti, ancien chef adjoint de la SAVAK, ont été déployées avec le slogan « Cauchemar des futurs terroristes », glorifiant son rôle. Les liens de Pahlavi avec un haut responsable de cet appareil répressif, qui, selon les médias, a été son conseiller pendant un temps, suggèrent une tolérance envers les tactiques autoritaires de l'époque de son père.

Tendances néofascistes

Les partisans de Reza Pahlavi se livrent souvent à des activités associées aux néofascistes qui idéalisent la dictature et méprisent les valeurs démocratiques. Leur discours, centré sur un « leadership fort », le mépris du pluralisme et la restauration de la royauté, trahit leurs véritables objectifs.

Ils cherchent à ressusciter un système que le peuple iranien a déjà renversé. Loin de s'opposer au régime, ils imitent ses instincts autoritaires. Tout mouvement démocratique qui s'associe à de tels éléments sera discrédité, sa légitimité morale brouillée et sa mission entachée.

Sur les réseaux sociaux, les partisans de Pahlavi sont connus pour attaquer quiconque appelle à l'instauration d'une république démocratique en Iran, usant souvent d'insultes sexistes et sexuelles, voire de menaces de mort, pour réduire leurs opposants au silence. Leurs attaques sont souvent menées en coordination avec la cyberarmée du régime actuel. Plusieurs des plus proches collaborateurs de Pahlavi faisaient très récemment partie du régime actuel. Certains seraient en contact avec le ministère du Renseignement.

Manque de soutien populaire

Un véritable changement politique en Iran ne sera pas dicté depuis l'exil ; il sera impulsé par les réseaux de militants, d'étudiants, de travailleurs et de femmes qui risquent leur vie dans la rue. Reza Pahlavi ne bénéficie d'aucun soutien populaire organisé en Iran. De nombreux membres de la diaspora iranienne soulignent ce point, soulignant que son opération est en réalité un « one-man-show » entièrement personnel.

La stratégie de Pahlavi repose sur l'illusion d'obtenir le pouvoir avec l'aide du CGRI et de puissances étrangères. Cependant, cette stratégie est vouée à l'échec compte tenu de l'animosité extrême qui règne au sein de la population iranienne envers toute personne associée au régime actuel. En bref, les Iraniens ne toléreraient jamais un nouveau régime dont les membres seraient les simples soldats et la vieille garde du régime des mollahs qui les réprimait depuis des décennies. La dépendance historique de la dynastie Pahlavi à l'égard des puissances étrangères a alimenté un profond ressentiment chez de nombreux Iraniens envers Reza Pahlavi. Son grand-père, Reza Shah, fut porté au pouvoir par les Britanniques en 1921 et destitué par les Britanniques en 1941 en raison de son ralliement à l'Allemagne nazie, après quoi son fils, Mohammad Reza Pahlavi, fut installé au rang de Shah. En 1953, Mohammad Reza fut brièvement contraint de fuir l'Iran en raison de troubles populaires, mais un coup d'État de la CIA et du MI6, en collusion avec le clergé, le rétablit sur le trône.

Conclusion

Les aspirations monarchistes de Reza Pahlavi, ses liens avec des personnalités de la SAVAK, sa volonté de dialoguer avec les Gardiens de la révolution et l'absence de soutien populaire en Iran font de lui un candidat inadapté à une alternative démocratique au régime des mollahs. Sa vision reflète un retour à l'autoritarisme passé, plutôt qu'une voie vers l'avenir démocratique que les Iraniens méritent.

La révolution de 1979 n'était ni un appel à la théocratie, ni un appel à la monarchie. C'était un rejet massif de ces deux réalités. Elle marqua la naissance d'une revendication populaire de justice, de liberté et de souveraineté. Cette lutte ne s'est pas terminée avec la trahison de Khomeiny. Elle se poursuit aujourd'hui dans la résistance contre la dictature cléricale et toute tentative de rétablissement du monarchisme néofasciste. L'avenir de l'Iran ne réside pas dans l'ombre des vieux trônes ou des tyrans enturbannés. Il est entre les mains du peuple iranien, de ceux qui luttent pour la démocratie, les droits de l'homme et une république laïque. Toute voie à suivre doit rejeter à la fois l'oppression des mollahs et l'héritage du Shah. Se rapprocher de l'un ou de l'autre, c'est retomber dans l'obscurité.