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Iran : le pays au bord de la soif - Anatomie d’une faillite hydrique et politique

Iran : le pays au bord de la soif - Anatomie d'une faillite hydrique et politique

Par la rédaction

5 dec. 2025

L'Iran vit aujourd'hui l'une des pires crises hydriques de son histoire contemporaine. Selon CNN, 2025 marque la sécheresse la plus grave depuis 40 ans, avec des précipitations quasiment nulles dans plusieurs régions. À Téhéran, capitale de près de 15 millions d'habitants, les réservoirs sont remplis à seulement 11 %, et certains barrages autour de la ville oscillent entre 8 % et 9 % de leur capacité. À Machhad, deuxième ville du pays, les réserves tombent même à 3 %, un niveau jamais enregistré.

Cette crise n'est pas une catastrophe naturelle isolée. C'est l'aboutissement d'une logique de destruction structurelle, mêlant mauvaise gestion chronique, militarisation de l'économie, corruption endémique et dérèglement climatique.

Pour la première fois depuis des décennies, un président iranien, Massoud Pezeshkian, a évoqué publiquement l'évacuation de Téhéran si les pluies ne revenaient pas en décembre. Ce mot, « évacuation », est devenu le symbole de l'effondrement d'un modèle politique incapable de gérer la ressource la plus élémentaire : l'eau.

Une sécheresse historique, mais surtout un pays exsangue

Selon les données fournies à CNN par le professeur Amir AghaKouchak (Université de Californie), l'Iran se trouve dans sa "pire année hydrique en quatre décennies", alors même qu'il s'agit de la saison humide censée reconstituer les réserves.

1. Six ans de sécheresse, un record climatique

Depuis 2019, les pluies diminuent régulièrement, mais 2025 constitue un basculement. Selon le Centre national de météo iranien (via ISNA) :

  • les précipitations ont chuté de 86 % depuis septembre,
  • et de 96 % à Téhéran, où un seul millimètre de pluie est tombé depuis l'automne, un record en cent ans.

Le New York Times confirme qu'aucune pluie n'a été enregistrée à Téhéran durant tout l'automne, une situation inédite. L'absence de neige sur les sommets montagneux prive aussi la capitale de sa principale réserve naturelle.

2. Les barrages à sec, la capitale en état d'urgence

Les chiffres qui parviennent des autorités iraniennes, pourtant peu enclines à la transparence, dressent un tableau sans précédent. Le barrage de Latyan, l'un des principaux réservoirs d'eau potable de la capitale, affiche à peine 9 % de sa capacité. Ses berges, habituellement submergées, sont désormais des plaines craquelées où les habitants marchent à pied sec. Le barrage Amir Kabir, situé à une quarantaine de kilomètres de Téhéran, fait à peine mieux : 8 % de remplissage selon Reuters. Autrement dit, deux infrastructures importantes pour la vie quotidienne de plusieurs millions de citoyens sont presque hors service.

La situation est encore plus alarmante à Machhad, deuxième ville du pays, où l'ensemble des réservoirs ne dépasse pas 3 % de leur volume total. C'est un niveau si bas qu'il remet en question la capacité même de la municipalité à fournir de l'eau potable de façon continue. Les médias locaux rapportent des coupures quotidiennes, parfois prolongées, au point que nombre de familles ne disposent plus que de quelques heures d'eau courante par jour. Cette eau est d'ailleurs souvent trouble ou impropre à la consommation.

Au nord-ouest, la catastrophe environnementale du lac d'Ourmia, autrefois l'un des plus vastes lacs salés du Moyen-Orient, atteint un point de non-retour. Les images satellites de Copernicus montrent une surface quasi totalement asséchée. Le lit du lac s'est transformé en un désert de sel dont les tempêtes transportent des particules toxiques. Cela aggrave les maladies respiratoires et ruine les terres agricoles des provinces voisines.

Ces chiffres ne sont pas seulement alarmants : ils annoncent l'entrée de l'Iran dans une phase critique où le manque d'eau risque de rendre certaines zones urbaines tout simplement inhabitables. Nous ne sommes qu'en hiver ; or ces niveaux de stockage sont normalement observés à la fin de l'été, après des mois de consommation intensive. Le pays est déjà dans le rouge avant même l'arrivée de l'été 2026, ce qui laisse entrevoir un scénario où les réserves pourraient s'effondrer totalement dans les mois chauds et provoquer un basculement humanitaire à grande échelle.

Pour Téhéran, cela signifie que la capitale se rapproche d'un seuil où aucune ingénierie, aucun rationnement, aucun pompage d'urgence ne pourra compenser la rareté absolue de la ressource. L'idée d'« évacuer Téhéran », évoquée en novembre par le président Massoud Pezeshkian, n'était pas une exagération rhétorique : c'est le reflet d'un risque tangible, inimaginable jusqu'à cette année, mais désormais discuté ouvertement par certains responsables municipaux et experts indépendants.

Une faillite hydrique provoquée par des décennies de mauvaise gestion

Les experts iraniens le répètent depuis plus de quinze ans : le problème n'est pas la météo, mais le régime.

1. Un modèle agricole catastrophique

Si l'Iran manque d'eau aujourd'hui, ce n'est pas uniquement à cause du climat : c'est le résultat d'un modèle agricole conçu pour échouer. Pendant plus de quarante ans, les autorités ont encouragé des cultures intensives, parfois même subventionnées, dans des régions où la pluviométrie annuelle rivalise avec celle de certaines zones semi-désertiques africaines.

Comme le rappelle l'ancien vice-ministre iranien de l'Environnement dans un entretien avec France 24, le régime a promu des productions totalement inadaptées : riz, pastèque, maïs, toutes nécessitant des quantités d'eau astronomiques. Le paradoxe est complet : l'Iran est l'un des pays les plus arides du continent asiatique, mais il irrigue comme si ses fleuves étaient intarissables.

Le poids démesuré de l'agriculture

Les chiffres sont accablants :

  • 90 % de toute l'eau consommée en Iran est absorbée par l'agriculture.
  • Ce pourcentage est l'un des plus élevés au monde, et il reflète non pas une efficacité, mais une dépendance dangereuse à un secteur irrigué de manière archaïque.

Dans de nombreuses provinces, notamment Ispahan, Yazd et Fars, les systèmes d'irrigation reposent encore sur des canaux ouverts, où plus de la moitié de l'eau s'évapore avant même d'atteindre les champs. Au lieu de moderniser, les autorités ont souvent préféré construire des barrages pour augmenter artificiellement la disponibilité en eau. Ces méthodes ont aggravé l'assèchement des rivières naturelles et transformé les nappes phréatiques en ressource de dernier recours.

Une exploitation incontrôlée des nappes

Le résultat est une catastrophe hydrologique sans précédent :

  • Les nappes phréatiques sont pompées sans aucune régulation.
  • Des centaines de milliers de puits illégaux, ont été creusés au cours des dernières décennies.
  • Dans certaines provinces, les pompages ont dépassé de plus de 300 % la capacité annuelle de recharge naturelle.

L'exemple de la province d'Ispahan est devenu emblématique : la nappe phréatique y est considérée comme morte, irrémédiablement épuisée. Les sols s'affaissent, parfois jusqu'à plusieurs dizaines de centimètres par an. Les infrastructures y sont instables. Dans le sud du Fars, autre région agricole majeure, les géologues signalent un effondrement encore plus rapide, accompagné d'une salinisation accélérée des sols, qui rend certaines terres définitivement impropres à l'agriculture.

Cette spirale (pompage excessif, affaissement, salinisation, baisse des rendements) entraîne un exode rural massif. C'est tout un modèle socio-économique qui s'effondre : les villages abandonnés se multiplient, tandis que les villes, déjà en pénurie, absorbent une population nouvellement vulnérable.

2. Barrages, infrastructures et chaos administratif : une politique de l'eau vouée à l'échec

La crise de l'eau en Iran n'est pas seulement le résultat d'un climat de plus en plus aride : elle est d'abord le produit d'une politique hydrique fondamentalement erronée, menée depuis plus de trois décennies. Deux dynamiques se superposent : une stratégie obsessionnelle de construction de barrages et un effondrement structurel de la gouvernance publique.

Des barrages construits pour satisfaire la politique, pas la science

Depuis les années 1990, et particulièrement sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, l'Iran a lancé une politique massive de construction de barrages. Sur le papier, il s'agissait d'assurer l'autosuffisance alimentaire et de "dompter l'eau" dans un pays où les déserts dominent le paysage. En pratique, cette stratégie s'est révélée catastrophique.

Plus de 600 barrages ont été érigés en trente ans, beaucoup sans études environnementales sérieuses. Leur construction, souvent confiée à des entreprises proches du Corps des Gardiens de la Révolution (pasdaran), répondait autant à des logiques économiques et politiques qu'à des impératifs hydrologiques.

Les effets ont été dramatiques :

  • De nombreux barrages ont été construits sur des rivières déjà affaiblies, voire intermittentes.
  • Certains fleuves, comme le Zayanderoud à Ispahan, ont été massivement détournés, alimentant artificiellement d'autres provinces pour satisfaire des ambitions locales.
  • Les retenues d'eau des barrages ont amplifié l'évaporation, dans un pays où les températures peuvent dépasser 45°C plusieurs mois par an.
  • Les écosystèmes ont été fragmentés : poissons, zones humides, nappes phréatiques et agriculture traditionnelle ont payé le prix fort.

Loin d'augmenter la disponibilité en eau, ces barrages ont souvent eu l'effet inverse : ils ont accéléré l'assèchement des rivières, réduit l'humidité naturelle des sols et exacerbé la pression sur les nappes souterraines.

Aujourd'hui, plusieurs barrages emblématiques sont à moins de 10 % de leur capacité : les murs de béton tiennent encore, mais l'eau qu'ils étaient censés domestiquer a disparu.

Une gouvernance éclatée et incapable d'anticiper

À cette politique de barrages mal conçue s'ajoute un autre problème majeur : l'absence totale de gouvernance cohérente dans la gestion de l'eau en Iran.

Selon l'agence de presse ISNA, la crise résulte d'une "absence chronique de coordination entre scientifiques, industrie et agences gouvernementales". Les chercheurs tirent la sonnette d'alarme depuis vingt ans, mais leurs recommandations ne sont pas suivies.

Ali Moridi, spécialiste de l'ingénierie de l'eau à l'université Shahid Abbaspour, résume le problème avec une lucidité brutale : « La crise est le produit d'un climat aride, mais surtout d'une rupture totale entre la science et la gouvernance. »

Les administrations hydrologiques sont fragmentées, se contredisent, et fonctionnent en silos. Les décisions se prennent sans données, sans modélisation climatique, et souvent sous pression politique.

La mainmise des pasdaran : quand la politique prime sur l'intérêt national

Un élément structurel explique cette désorganisation : la mainmise des secteurs stratégiques par les Gardiens de la Révolution (pasdaran). Depuis les années 2000, les pasdaran contrôlent :

  • une large partie du secteur énergétique,
  • les principales entreprises de construction d'infrastructures,
  • plusieurs entreprises agricoles et para-étatiques,
  • et une proportion significative des contrats liés à la gestion de l'eau.

Ce contrôle transforme l'eau en enjeu politique et financier, plutôt qu'en ressource vitale à préserver.

Les choix publics servent souvent :

  • la rentabilité à court terme ;
  • le clientélisme politique ;
  • le maintien d'un réseau d'influence économique ;
  • et, parfois, l'objectif stratégique d'acheter la loyauté de certaines régions.

Les projets de barrages sont devenus des annonces politiques populaires, des symboles de "développement", même lorsqu'ils détruisaient des écosystèmes fragiles ou enfonçaient davantage les régions rurales dans la pénurie.

Un système incapable de corriger ses erreurs

La crise actuelle illustre l'effondrement de ce modèle :

  • les scientifiques tirent l'alarme,
  • les ingénieurs proposent des solutions,
  • les météorologues alertent sur les sécheresses répétées,
  • mais aucune réforme structurelle n'est adoptée.

Le pouvoir navigue à vue, multipliant les mesures improvisées (comme l'ensemencement des nuages) plutôt que de s'attaquer aux causes profondes.

La dimension politique : un régime dépassé, inquiet, vulnérable

1. Le pouvoir face à une crise qu'il ne maîtrise pas

Après la guerre de juin 2025 contre Israël et les frappes américaines sur Natanz et Fordow, le régime avait besoin de stabilité intérieure.
Il ne peut l'obtenir.

Pour la première fois, le président en exercice a évoqué publiquement :

  • le rationnement généralisé,
  • les coupures d'eau quotidiennes,
  • l'éventuelle évacuation de Téhéran.

Ce vocabulaire traduit la peur du pouvoir, conscient qu'une pénurie d'eau est le seul sujet capable d'unir toutes les classes sociales contre lui.

2. Une population exaspérée : la colère qui monte

Selon Iran International, l'Iran connaît :

  • des migrations climatiques internes (villages abandonnés dans le Fars, l'Ispahan),
  • une dépendance croissante aux camions-citernes,
  • un usage massif d'eau polluée ou insuffisamment traitée.

Les coupures d'eau nocturnes imposent une humiliation quotidienne. La BBC rapporte que l'eau du robinet arrive jaune ou brune dans certains quartiers de Téhéran.

On retrouve le même schéma qu'en 2021, lorsque les « manifestations de la soif » avaient secoué le Khouzistan.

3. Le régime joue la carte complotiste

Face aux critiques, les autorités réactivent leurs vieilles méthodes :

  • accusation de « vol de nuages » par les Émirats, la Turquie et l'Arabie saoudite ;
  • accusations contre les États-Unis et Israël ;
  • invocation de « manipulation climatique ».

L'Organisation météorologique iranienne a dû démentir publiquement ces théories absconses. La stratégie complotiste vise à détourner la colère, mais fonctionne de moins en moins.

Une crise stratégique : économie, énergie et sécurité nationale paralysées

1. Impact économique : l'effondrement agricole

L'impact économique le plus immédiat et le plus destructeur de la crise hydrique iranienne se manifeste dans l'agriculture, un secteur qui représente encore l'un des piliers de l'économie du pays et qui consomme plus de 90 % de l'eau disponible. Dans plusieurs provinces, notamment le Fars, l'Ispahan, le Sistan-Baloutchistan ou encore le Khouzistan, les rendements agricoles ont chuté de 30 à 50 % en quelques années. Cette baisse brutale n'est pas simplement conjoncturelle : elle est le résultat de l'épuisement des nappes phréatiques, du manque d'irrigation, de la multiplication des épisodes de chaleur extrême et de la rareté des précipitations. Privés d'eau, les agriculteurs voient leurs exploitations devenir déficitaires, leurs cultures se dessécher et leurs revenus s'effondrer.

Les conséquences structurelles sont encore plus inquiétantes. Selon Iran International, une grande partie des sols agricoles du pays est désormais en voie de salinisation, phénomène irréversible lorsque l'eau douce ne suffit plus à rincer les sels accumulés. Parallèlement, les puits disparaissent les uns après les autres, à mesure que les nappes phréatiques se vident. Dans certaines zones du Fars ou du centre de l'Iran, il faut creuser à plus de 300 mètres pour trouver une eau trop salée pour être utilisée. Cette raréfaction conduit à une désertification accélérée, visible dans l'assèchement des plaines, la disparition des pâturages et la formation de vastes zones arides qui gagnent du terrain saison après saison.

Cet effondrement agricole provoque un profond bouleversement social. Incapables de survivre sur leurs terres, des milliers d'agriculteurs migrent vers les grandes villes, où ils rejoignent des marchés du travail déjà saturés. Cette migration climatique interne, observée dans le Fars, le Kerman ou l'Ispahan, accroît les tensions sociales, accentue la pression sur les infrastructures urbaines et renforce la fracture entre les régions rurales abandonnées et les centres urbains asphyxiés. Les projections des experts iraniens et internationaux convergent : si aucune réforme structurelle n'est engagée, près de la moitié des terres agricoles de l'Iran pourraient devenir improductives d'ici 2050. Le pays serait alors condamné à une dépendance accrue aux importations qui affaiblirait davantage sa souveraineté alimentaire.

2. Impact énergétique : les barrages ne produisent plus

L'effondrement des capacités hydroélectriques constitue un autre volet critique de la crise. Début décembre, la centrale du barrage de Karkheh, l'une des plus importantes infrastructures hydrauliques du sud-ouest iranien, a dû stopper sa production. Le niveau du réservoir est désormais si bas que les turbines ne peuvent plus fonctionner. Ce n'est pas un cas isolé : d'autres barrages stratégiques approchent eux aussi du point de non-retour, avec des taux de remplissage inférieurs à 10 % dans certaines provinces. L'hydroélectricité, qui représente une part modeste mais essentielle du mix énergétique iranien, se trouve ainsi presque paralysée, aggravant les tensions déjà fortes sur le réseau national.

Face à cette incapacité à produire de l'énergie à partir des barrages, l'État iranien se retrouve contraint à des mesures d'urgence. Les importations de carburant augmentent, malgré des finances publiques affaiblies et une économie sous sanctions. Parallèlement, les autorités procèdent à des coupures d'électricité tournantes, parfois plusieurs heures par jour, dans les grandes villes comme dans les zones rurales. Les ménages apprennent à vivre dans une insécurité énergétique permanente, tandis que les hôpitaux, les transports et les écoles doivent s'adapter à un réseau instable et imprévisible.

Cette fragilité énergétique a un effet direct et immédiat sur l'économie réelle. Les usines, notamment dans les secteurs du ciment, de la métallurgie, de la pétrochimie et du textile, sont contraintes de réduire leur activité, voire de l'interrompre pendant les heures de délestage. Cette baisse forcée de la production industrielle accentue le chômage, amoindrit les exportations non pétrolières et fragilise davantage un tissu économique déjà sous pression. À court terme, la pénurie d'eau entraîne donc une véritable crise énergétique ; à long terme, elle menace de plonger l'Iran dans une spirale de sous-développement industriel et de dépendance accrue à ses voisins.

Un État qui ne sait plus quoi faire

Selon l'ancien vice-ministre de l'Environnement, interviewé par France 24, le gouvernement « ne sait plus quoi faire ». Il lui reste trois options, toutes mauvaises :

  • Rationner violemment : déjà en cours, mais cela alimente la colère populaire.
  • Pomper davantage les nappes phréatiques : elles sont déjà épuisées. Les puits s'enfoncent à 200-300 mètres.
  • Ensemencer les nuages : cette technique a été utilisée le 15 novembre autour du lac d'Ourmia. Résultat : aucune pluie. Forbes rappelle que cette méthode est inutilisable en absence d'humidité atmosphérique.

En clair, aucune solution immédiate n'existe.

L'impact géopolitique : un régime affaibli sur la scène régionale

1. Une capacité réduite à financer les mandataires

La sécheresse et les sanctions réduisent la trésorerie :

  • moins de dollars issus du pétrole,
  • plus de dépenses intérieures (subventions, alimentation, importations).

Après l'affaiblissement du Hezbollah en 2024–2025, les alliés irakiens et syriens du régime sont de plus en plus autonomes.

2. Une fragilité visible par tous les acteurs régionaux

Israël, l'Arabie saoudite, la Turquie et les Émirats observent un régime :

  • incapable de sécuriser ses propres ressources,
  • confronté à une population homogènement mécontente,
  • dépendant de solutions techniques obsolètes.

La sécheresse devient donc une vulnérabilité stratégique.

Une décennie perdue : 2025 comme point de bascule

Pour l'agence de presse ISNA, un constat s'impose : l'Iran entre en 2025 dans une décennie où la sécheresse n'est plus un cycle, mais un état permanent. Les autorités n'osent pas l'admettre publiquement, mais la recherche scientifique est catégorique : le pays a basculé dans un nouveau régime climatique. Les précipitations qui rythmaient traditionnellement les saisons ne reviendront pas à leurs niveaux historiques. Les épisodes de pluie, lorsqu'ils surviennent, sont trop rares, trop courts et trop violents pour recharger les nappes ou remplir les barrages.

Les projections sont extrêmement préoccupantes. D'ici 2050, la température moyenne en Iran pourrait augmenter de cinq degrés, un saut climatique colossal qui accentuera l'évaporation de toutes les réserves d'eau de surface. Selon les études citées par Iran International et l'agence de presse ISNA, la moitié des terres agricoles actuelles pourrait devenir inexploitable, asphyxiée par la salinité, l'épuisement des nappes phréatiques ou la progression du désert. Dans les plaines centrales, déjà marquées par des affaissements spectaculaires (jusqu'à 30 centimètres par an), le sol pourrait devenir structurellement instable, fragilisant les infrastructures urbaines, les routes et même les fondations des villes les plus peuplées.

Ce basculement intervient au pire moment pour un régime déjà affaibli. Sur le plan politique, les fractures internes entre réformistes, conservateurs et pasdarans se sont accentuées. Sur le plan économique, les sanctions, la corruption et la fuite des talents ont miné toute capacité d'adaptation. Sur le plan militaire, la guerre régionale de 2025 et les frappes subies ont montré les limites d'un appareil sécuritaire pourtant central dans le discours du pouvoir. L'Iran se retrouve donc confronté à une crise climatique majeure au moment où son État est le moins capable d'y répondre.

2025 marque ainsi un point de rupture : un pays déjà fragilisé affronte désormais une transition climatique brutale qui dépasse la simple gestion de l'urgence. C'est une décennie perdue qui commence, avec une pénurie d'eau appelée à devenir la norme et non plus l'exception.

Comment l'Iran pourrait éviter l'effondrement : réformes impossibles ou dernières chances ?

Les experts proposent des réformes techniques, mais toutes exigent une chose que le régime ne possède pas : une gouvernance transparente et stable.

  • Réformer l'agriculture :
  • Abandon du riz et des cultures intensives,
  • Modernisation de l'irrigation,
  • Taxation stricte de l'eau agricole.

Cela heurterait les intérêts économiques des pasdarans, très impliqués dans l'agro-industrie.

  • Fermer les puits illégaux : il y en a plus de 300 000. Mais ils appartiennent souvent à des acteurs liés au régime.
  • Réduire les barrages : C'est une solution rationnelle, mais explosive politiquement.
  • Coopérer régionalement : l'Iran doit négocier avec la Turquie (fleuves transfrontaliers), avec l'Irak et avec l'Afghanistan. Mais la diplomatie hydrique exige une crédibilité internationale qui fait aujourd'hui défaut.

Conclusion : la pénurie d'eau, révélateur d'un régime à bout de souffle

La crise hydrique de 2025–2026 n'est pas seulement une catastrophe environnementale : c'est le miroir d'un système politique en faillite, incapable de gérer la ressource vitale la plus élémentaire. Les données scientifiques sont implacables :

  • barrages à sec,
  • nappes épuisées,
  • affaissement du sol,
  • villes menacées,
  • exode rural massif,
  • effondrement agricole,
  • climat en surchauffe.

Mais ce qui rend cette crise potentiellement explosive, c'est sa dimension politique. Le régime, affaibli par les sanctions, les contestations internes et les pertes de ses mandataires régionaux, doit désormais faire face à un ennemi qu'aucune répression ne peut étouffer : la sécheresse.

Quand l'eau manque, les slogans idéologiques ne suffisent plus. Pour de nombreux observateurs iraniens, la question n'est plus : « L'Iran peut-il résoudre sa crise de l'eau ? » C'est plutôt : « Le régime actuel est-il capable de survivre à une crise hydrique durable? »

Dans un pays où l'eau a toujours été synonyme de vie, la pénurie pourrait bien devenir le facteur politique le plus déterminant de la décennie à venir.