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La monarchie en Iran, une illusion à oublier


Par Maceo Ouitona*

Quarante-six ans après la révolution de 1979, l'Iran se trouve une fois encore à la croisée des chemins. Face à un régime théocratique répressif et impopulaire, la tentation pour certains serait de regarder en arrière et d'idéaliser l'époque monarchique comme une solution de rechange. Mais ne nous y trompons pas : restaurer une monarchie en Iran constituerait une erreur historique majeure et ne répondrait en rien aux aspirations profondes pour la démocratie et la liberté que les Iraniens ont exprimées durant des soulèvements successifs ces dix dernières années.

La nostalgie qui entoure parfois la figure du dernier Shah, Mohammad Reza Pahlavi, relève davantage d'une idéalisation du passé que d'une analyse objective des faits historiques. Faut-il rappeler la brutalité du régime impérial, caractérisée par l'existence de la redoutable police secrète SAVAK, responsable d'innombrables arrestations, tortures et assassinats ? Comme le souligne Struan Stevenson dans son ouvrage « 

Dictatorship and Revolution : Iran - A Contemporary History », récemment traduit en français, le Shah a créé « une police secrète terrifiante, la SAVAK, avec l'aide de la CIA américaine », pratiquant des « tortures systématiques et une répression féroce contre toute opposition démocratique ».

Fort de son expérience comme président de la Délégation du Parlement européen pour les relations avec l'Irak (2009-2014) et comme président de l'Intergroupe des Amis d'un Iran libre (2004-2014), Struan Stevenson porte un regard lucide sur les lacunes du passé et sur les enjeux actuels et futurs de ce pays, si important pour la géopolitique régionale. Il nous rappelle quelques évènements importants qui ont précédé l'accès au pouvoir de Khomeiny.

Stevenson rappelle, entre autres, que Reza Shah Pahlavi, le fondateur de la dynastie, était surnommé « Reza le tyran » en raison de ses politiques autoritaires et violentes. Il écrit notamment : « Après son couronnement en 1926, Reza Shah confisqua par la force de vastes propriétés à travers l'Iran, devenant ainsi l'homme le plus riche du pays. Il réprima brutalement les minorités nationales et ethniques, piétina la constitution iranienne et viola systématiquement la volonté du parlement ».

Face à l'instabilité chronique en Iran et à l'impasse politique du régime actuel, certains tentent de ressusciter l'idée d'un retour à la monarchie, incarnée aujourd'hui par Reza Pahlavi, fils du dictateur déchu. Pourtant, cette option apparaît à la fois irréaliste et déconnectée des aspirations profondes des Iraniens. Comme le souligne clairement Stevenson : « La monarchie en Iran était une institution illégitime et autocratique qu'une révolution populaire a renversée. L'idée d'un retour à la monarchie en Iran est aussi anachronique historiquement qu'un retour de la monarchie en France ou en Russie. Une telle fantaisie est non pertinente et ne mérite pas une considération sérieuse. »

À ce titre, Stevenson rappelle judicieusement que la monarchie appartient au passé, et que l'avenir politique de l'Iran ne pourra se construire qu'autour de principes démocratiques, loin des dérives autoritaires des décennies passées.

L'histoire récente a également montré que le prétendant au trône, Reza Pahlavi, malgré ses discours démocratiques, n'offre aucune proposition crédible pour l'avenir de l'Iran. Son ambiguïté à l'égard des Gardiens de la révolution (pasdaran), pilier central de la répression actuelle, révèle une inquiétante incohérence. Comment pourrait-il incarner un véritable changement démocratique en Iran, lui qui appelle à coopérer avec les éléments mêmes qui sont les principaux instruments de la répression du peuple iranien depuis des décennies ?

Les observateurs, comme de nombreux Iraniens, relèvent que le fils du Chah n'a jamais condamné les crimes commis par ses prédécesseurs, son père et son grand-père, tous deux installés illégitimement au pouvoir à la faveur de coups d'État orchestrés sous l'ingérence de puissances étrangères. Stevenson note à ce sujet : « Le coup d'État orchestré par les Britanniques en 1921 pour installer Reza Khan au pouvoir, tout comme celui soutenu par la CIA en 1953 pour réinstaller son fils Mohammad Reza, constituent des preuves irréfutables de l'illégitimité fondamentale de cette dynastie. »

La monarchie, rejetée massivement par le peuple iranien en 1979, appartient irrévocablement au passé. Elle représente un système politique dépassé, fondé sur des privilèges héréditaires, incompatible avec les principes démocratiques modernes. Les Iraniens, aujourd'hui en lutte contre une dictature théocratique, aspirent à un régime républicain démocratique, séculier, respectueux des droits humains et garant de la liberté individuelle et collective.

L'heure n'est donc pas à la nostalgie trompeuse, mais à l'engagement déterminé en faveur d'une véritable démocratie républicaine. Se tourner vers le passé monarchique serait non seulement une régression historique, mais aussi un cadeau inespéré fait au régime des mollahs, qui utilise habilement la menace d'un retour à l'ancien régime pour diviser l'opposition et maintenir sa mainmise brutale sur le pays.

Le slogan « A bas le tyran, qu'il soit Shah ou Mollah » a bien été le leitmotiv du soulèvement de 2022 après la mort tragique de la jeune Jina Mahsa Amini. Le choix des Iraniens est donc clair : la voie vers la démocratie et la liberté passe par la république, jamais par la restauration d'une monarchie déjà rejetée par l'histoire.

* Maceo Ouitona est journaliste et collaborateur de la FEMO, il est le traducteur du l'ouvrage de Struan Stevenson, Dictature et révolution, éditions les presses du midi.