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Le régime iranien, “plus faible que jamais depuis 1979”

Le régime iranien, "plus faible que jamais depuis 1979"

Par la rédaction

Struan Stevenson, Struan Stevenson, Président du Comité de la commission de protection des libertés politiques en Iran (Chairman of Committee on the Protection of Political Freedoms in Iran)était l'invité de la FEMO, à Paris le mardi 25 novembre  afin de rencontrer des parlementaires français et d'échanger avec eux sur les solutions d'avenir pour l'Iran. Il a ensuite animé un déjeuner presse, lors duquel il a dressé un diagnostic sévère de la situation du régime. Selon Stevenson, qui fut le Président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec l'Irak et de l'intergroupe « Amis d'un Iran libre », et auteur de plusieurs ouvrages*, l'Iran traverse sa période de fragilité la plus profonde depuis la révolution islamique de 1979. Ses alliés régionaux, du régime syrien au Hamas, sont affaiblis ou isolés, ce qui réduit la portée stratégique de Téhéran.


À l'intérieur du pays, l'effondrement économique est spectaculaire : le rial, en constante dépréciation, a perdu quatre zéros en raison des sanctions qui pénalisent l'économie ; l'inflation atteint des niveaux extrêmes ; et les infrastructures électriques et hydrauliques, sont dans un état critique. Struan Stevenson a souligné le contraste criant entre l'élite du régime, dont les enfants vivent confortablement à l'étranger, et la population iranienne soumise à l'appauvrissement et à une répression accrue.

Pour lui, l'un des changements les plus significatifs aujourd'hui réside dans l'usage massif des réseaux sociaux. Les jeunes Iraniens peuvent désormais documenter la violence du régime et s'organiser entre eux, malgré la censure. Il estime que les conditions d'un ultime soulèvement majeur sont réunies et que l'Europe et les États-Unis se doivent de saisir ce moment afin de soutenir clairement le peuple iranien. Ceci permettrait de mettre fin aux exécutions massives et de réduire la menace nucléaire, utilisé comme totem par le régime islamique.

Reza Pahlavi : une alternative jugée illégitime

Struan Stevenson a également longuement commenté la figure de Reza Pahlavi, fils de l'ancien Shah, auquel il dédit de nombreux passages dans ses ouvrages. Il le considère comme dépourvu de légitimité, tout en rappelant le régime autocratique instauré par son père, marqué par les abus de la Savak. Les tentatives de mobilisation de Reza Palavi ont été anecdotiques, réunissant difficilement quelques dizaines de militant, et son programme politique, reviendrait simplement à remplacer le Guide suprême Khamenei par une nouvelle autorité vue en sa propre personne. Struan Stevenson en conclu que sa « candidature » à l'aube de l'effondrement du régime, apparait davantage comme la tentative désespérée d'un homme affublé que celle d'une option de gouvernement sérieuse et légitime pour l'avenir du pays.


Interrogé sur les solutions envisageables pour l'avenir de l'Iran, il a successivement écarté l'option militaire, qui reproduirait selon lui les erreurs de l'Irak, ainsi que les négociations diplomatiques, qu'il juge trop complaisantes à l'égard du régime. Il appelle au contraire à un soutien clair des occidentaux à l'opposition démocratique, en particulier au CNRI et à l'OMPI, qu'il qualifie de seule alternative organisée, et regrette que l'Europe refuse toujours d'inscrire les Gardiens de la révolution sur sa liste des organisations terroristes, contrairement aux États-Unis, au Canada ou à l'Australie.

L'éclairage de Jean-François Legaret : eau, climat et crise sanitaire

Jean-François Legaret a développé plusieurs points abordés dans les ouvrages de Stevenson, ainsi que l'actualité marquante de l'Iran. Il soulève notamment que les pénuries d'eau actuelles ne sont pas seulement dues au changement climatique mais aussi à la destruction volontaire causé par les barrages et au détournement de ressources par le régime, ce qui entraîne une catastrophe écologique durable. Il a également rappelé que l'Iran a affiché le plus haut taux de mortalité par habitant pendant le Covid-19, du fait du refus du régime d'accepter les vaccins occidentaux.

A ces conditions de vie difficiles, Jean-François Legaret a souligné l'intensité de la répression actuelle, avec 1 455 exécutions recensées depuis le début de l'année. Il a aussi mis en perspective l'analyse de Stevenson, rédigée avant la récente « guerre des 12 jours », et pourtant encore plus pertinente aujourd'hui.

La guerre informationnelle menée par le régime

Les échanges ont également mis en lumière la vaste guerre informationnelle menée par le régime iranien pour discréditer l'opposition organisée. Struan Stevenson a détaillé l'existence d'un dispositif international particulièrement structuré, capable d'activer en quelques heures des campagnes parfaitement coordonnées contre tout responsable politique exprimant un soutien, même minimal, à l'OMPI. Selon lui, les députés européens qui signent des déclarations pro-opposition voient aussitôt leur boîte mail saturée de centaines de messages rédigés sur un même modèle, exigeant le retrait immédiat de leur signature. Cette mécanique, quasi-automatisée et clairement centralisée, vise autant à intimider qu'à créer l'illusion d'une contestation populaire spontanée.

Struan Stevenson s'est par ailleurs étonné de l'invisibilisation presque totale de ces campagnes dans l'espace public européen. Il souligne, qu'aucun autre régime ne mobilise ses ressources diplomatiques et sécuritaires pour mener une opération de dénigrement aussi méthodique contre un mouvement d'opposition en exil. Cette « ultrapro­pagande », selon ses mots, vise à entretenir l'idée que l'opposition n'aurait ni base sociale ni crédibilité, alors même que le régime consacre une énergie considérable à la combattre.

L'un des points relevés pendant le déjeuner est la synchronisation troublante entre la publication d'articles à charge dans certains médias occidentaux et la libération d'otages détenus par Téhéran. Ce calendrier récurrent laisse penser que le régime utilise ces contenus comme monnaie d'échange ou comme signal politique. Le régime exploiterait également la confusion lexicale autour des termes « sectaire » ou « islamo-marxiste » pour influencer l'opinion publique occidentale. Ces étiquettes, largement diffusées depuis les années 2000, restent ancrées dans malgré leur absence de fondement factuel.

Conclusion : un moment décisif pour l'Europe

Ce déjeuner a fait émerger un consensus clair : le régime iranien traverse une crise profonde, la société iranienne est en état de tension extrême et la répression atteint une intensité sans précédent. Le régime semble faire des concessions sur les libertés individuelles, notamment sur le port du voile, afin d'apaiser la révolte et gagner du temps avant le soulèvement populaire. Le soutien explicite aux forces démocratiques iraniennes semble indispensable aujourd'hui afin de constituer le signal décisif pour cette société prête à risquer sa vie pour une transition politique.

*Dictature et révolution, Iran une histoire contemporaine, Editions les Presse du Midi, 172 pages.

*Countdown to collapse: Iran's regime on the brink, 268 pages.